[Exclusif] Hamon, Emmanuelli et Lienemann répondent à Montebourg: ce ne peut être qu'Aubry!
Hamon, Emmanuelli, Lienemann - Tribune | Mercredi 12 Octobre 2011 à 16:49
Benoît Hamon, Henri Emmanuelli et Marie-Noëlle Lienemann répondent à la lettre d'Arnaud Montebourg adressée aux deux finalistes de la primaire. Pour ces représentants de l'aile gauche du Parti socialiste, il n'y a pas à tergiverser : Martine Aubry est la candidate qui se rapproche le plus des idées que le député de Saône-et-Loire a défendues lors de la campagne.
Cher Arnaud,
L’ampleur de la mobilisation citoyenne de dimanche dernier a témoigné d’une formidable aspiration au changement dans notre pays. Les 2,5 millions d’électeurs ont voulu signifier, par leur vote, qu’ils attendaient de la gauche qu’elle soit à la hauteur des enjeux. Il y a urgence à tourner la page du sarkozysme et à retrouver le chemin du redressement de la France.
Le résultat de dimanche nous a aussi conforté dans nos convictions : la majorité de celles et ceux qui se sont déplacés le 9 octobre pensent que pour battre la droite, il faut une gauche décomplexée ; Une gauche qui ne se résout pas à l’accompagnement du système, mais qui œuvre à sa transformation radicale. Une gauche qui ne se résigne pas à la domination des marchés, mais qui résiste et qui propose un autre chemin pour la France et pour l’Europe.
Ton bon score traduit cette tendance générale, et nous nous en félicitons. Nous jugeons néanmoins injuste et faux de renvoyer dos-à-dos Martine Aubry et François Hollande au prétexte qu’ils seraient « les deux faces d’une même médaille ».
Il ne s’agit pas seulement de « trancher entre deux tempéraments » : cela renverrait les primaires à une simple compétition pour le leadership, et donc à une lecture très « Vème république » d’un exercice démocratique qui est, et tu es le premier à le répéter, bien autre chose que cela ! Au contraire, le choix du deuxième tour revêt une importance décisive. D’un point de vue stratégique, d’un point de vue idéologique.
Nous prenons très au sérieux le débat que tu lances sur des thèmes qui nous sont chers. Nous sommes heureux de partager des priorités qui sont les nôtres et que nous portons avec constance, depuis longtemps parfois. Heureux qu’elles trouvent aujourd’hui un écho positif parmi les citoyens et les autres candidats aux primaires.
Bien sûr, le PS n’a pas encore opéré cette révolution intellectuelle que nous appelons de nos vœux. Mais il serait dommage de ne pas se réjouir des évolutions positives et de ne pas acter les avancées.
Nous avons choisi de soutenir Martine Aubry dès le premier tour précisément parce qu’elle a su, sur des points essentiels, tourner le dos à l’idéologie dominante. Parce qu’elle a pris la mesure de l’ampleur de la crise, et qu’elle en tire des conclusions politiques. En tout cas, elle a, lors de la préparation du projet des socialistes, parfois en dépit de résistances persistantes, fait bouger les lignes et permis des évolutions importantes répondant à l’exigence d’un changement de cap que nous défendons.
Ainsi, quand Martine Aubry s’engage résolument pour la réorientation de la construction européenne, qui passe par le « juste échange » et l’adoption de nouvelles stratégies industrielles, monétaires et fiscales, elle est en phase avec les préoccupations des Français qui ont pu manifester leur désaccord à une autre époque sur ce sujet-là. Face à la mondialisation libérale et son cortège de délocalisations, nous avons besoin d’Europe. Mais pas de celle qui se construisait hier, qui stagne et échoue aujourd’hui.
En proposant de mettre en place une taxe sur les transactions financières à l'échelle européenne, en exigeant une politique monétaire menée par la BCE orientée vers la croissance, l'emploi et la compétitivité des industries de l'Union à l'export, Martine Aubry défend une autre cohérence
En proposant d’instaurer des taxes aux frontières de l'Europe pour exiger de nos partenaires la réciprocité commerciale; en exigeant de renforcer les clauses de sauvegarde dans les accords bilatéraux que l'Union passe avec ses partenaires, Martine Aubry s’engage pour une autre Europe.
Tu jugeras peut-être que c’est insuffisant. Nous pensons, en tous cas, que c’est une bonne base pour construire un rapport de forces favorable aux travailleurs et aux citoyens européens.
Parce qu’elle promeut aussi le retour de l’intervention publique, la création d’un pôle publique bancaire, de fonds d’investissements industriels et la définition d’exigence aux banques, parce qu’elle a fait de la hausse des salaires une exigence et s’engage à mettre sous tutelle judiciaire les entreprises qui engagent des délocalisations ou licenciements boursiers, parce qu’elle veut engager avec volontarisme dès 2012 notre pays sur le chemin de la transition énergétique, nous avons soutenu Martine Aubry dès le premier tour.
Ces choix, notre parti aurait dû les engager depuis bien longtemps. Force est de constater qu’elle les a assumés comme première secrétaire et aujourd’hui les soutient comme candidate.
Cher Arnaud, nous pensons sincèrement qu’elle incarne mieux que d’autres la volonté de changement. Pas seulement parce qu’elle promeut des idées nouvelles. Mais aussi parce qu’elle a posé des actes.
La vie politico-médiatique est une grande oublieuse, et il est temps de rafraichir à tous la mémoire. C’est le choix de Martine Aubry en 2009 qui a fait pencher la balance en faveur des primaires dont tu étais un des principaux instigateurs.
C’est Martine Aubry enfin qui, lors de son discours devant le forum consacré aux institutions en 2011, a esquissé les contours d’une République nouvelle. A cette occasion, elle a dressé un sévère réquisitoire contre la Vème République. Elle a rappelé que la concentration des pouvoirs dans les mains d'une seule personne, la personnalisation à outrance de la vie politique, l'abaissement du Parlement voulu par les constituants de 1958, la prédilection pour le scrutin majoritaire qui gomme la diversité politique, heurtaient profondément notre conscience de gauche.
Elle a aussi, et c’est heureux, réaffirmé que la gauche croit davantage aux aventures collectives qu'à l'homme (ou à la femme) providentiel (le), davantage à la collégialité dans l'action qu'à la solitude dans la décision. Et si elle n’est pas allée jusqu’à renuméroter la République, elle a indiqué qu’il fallait opérer la réforme radicale de nos institutions qui permette un réel rééquilibrage des pouvoirs et l'approfondissement de la démocratie.
Restaurer le lien entre décision et responsabilité en redonnant au Président la « fonction arbitrale » qu’il n’aurait jamais du quitter, atténuer les effets du « parlementarisme rationalisé, étendre les droits de l'opposition, changer le mode de scrutin aux élections législatives, encourager participation citoyenne à l'élaboration des politiques publiques : Martine Aubry s’est engagée sur tout cela. Pour les inlassables promoteurs de la VIème République que nous sommes, ce sont des avancées importantes.
Cher Arnaud,
Nous saurons nous rassembler derrière celle ou celui qui remportera la majorité des suffrages du peuple de gauche dimanche prochain. Mais, jusqu’à dimanche, nous voulons éclairer le choix de nos concitoyens. Rien ne serait pire que de laisser accréditer l’idée selon laquelle il s’agirait juste de départager deux ambitions personnelles, deux « caractères ». Sans vouloir exagérer les divergences, il est sain d’exposer les options différentes. Et de trancher en connaissance de cause.
Bien sûr, notre combat ne s’arrête pas au 16 octobre. Constants, opiniâtres, nous continuerons à porter nos idées, nos propositions, pour faire gagner la gauche.
Mais aujourd’hui, il faut être clairs, c’est le vote en faveur de Martine Aubry qui permettra à toutes les Françaises et tous les Français de prendre une gauche d’avance, nécessaire à la construction d’une nouvelle France.
Amitiés socialistes,
Premiers signataires :
Benoît Hamon, Henri Emmanuelli, Marie-Noëlle Lienemann
Pouria Amirshahi, Charente
Michaël Aurora, Gers
Guillaume Balas, Paris
Philippe Bayol, Creuse
Charlotte Brun, Val d’Oise
Françoise Castex, Eurodéputée
Pierre Cheret, Pyrénées-Atlantiques
Pascal Cherki, Maire du XIVème arrondissement de Paris
Stéphane Delpeyrat, Landes
Olivier Dussopt, Député de l’Ardèche
Olivier Girardin, Aube
Jérôme Guedj, Président du CG de l’Essonne
Razzy Hammadi, Seine Saint Denis
Olivier Harkati, Puy-de-dôme
Régis Juanico, Député de la Loire
Bruno Julliard, Paris
Georges Labazée, Président du CG des Pyrénées Atlantiques
Renaud Lagrave, Landes
Claire Le Flecher, Aisne
Marianne Louis, Essonne
Emmanuel Maurel, Val d’Oise
Delphine Mayrargue, Paris
Jean Michel, Député du Puy de Dôme
Pierre Pantanella, Aveyron
Germinal Peiro, Député de Dordogne
Nadia Pellefigue, Haute-Garonne
Paul Quilès, ancien ministre
Liem Hoang-Ngoc, Eurodéputé
Roberto Romero, Hauts de Seine
Benoît Secrestat, Dordogne
Isabelle Thomas, Ile-et-Vilaine
Pascal Usseglio, Loir-et-Cher
Michel Vergnier, Député de la Creuse