Article publié sur Agoravox.fr
Décidemment on se demande où s’arrêtera la marchandisation. Hier, en regardant le journal télévisé, j’ai appris que la ville de Venise avait décidé de vendre toute une partie des grands palais qui font son charme et qui lui appartiennent depuis des siècles. Consternation !
La vieille, je fulminais en entendant que certains envisageaient de vendre le nom des stades !
D’ailleurs cette géniale idée est déjà mise en application en Grande-Bretagne ! Rire et Colère !
Imaginez le grand progrès que consacrerait le changement de nom du
stade Bollaert en stade Auchan, Doux, ou je sais quel sponsor ! Il
semble que le club de Lyon envisage cette hypothèse, au passage pour
son sponsor japonais, moyennant de substantielles subventions ! Mais il
parait qu’il y ait encore un hic avant de pouvoir atteindre cet
eldorado : les stades n’appartiennent pas aux clubs. Alors je me suis
soudain souvenu que le Ministre des sports, Jean-François Lamour, avait
indiqué que les seuls clubs qui pourraient entrer en bourse seraient
ceux qui sont propriétaires de leurs stades ! Sans doute avait il cette
idée derrière la tête : leur permettre de tout vendre, de tout ramener
à de la pub, même le nom du Stade.. Reste que cette idée de cotation
des clubs n’est pas tombée du ciel, mais de la Commission Européenne
qui a contesté le fait que la France interdise la cotation boursière
des clubs professionnels de Football. C’était en effet la position
historique de notre Pays qui considère que le Sport n’est pas une
activité économique comme une autre.. Eh bien, ce n’est pas acceptable
pour la Commission Européenne qui au nom du libre marché ne pouvait
accepter cette pratique iconoclaste.
Estimant scandaleuse cette prise de position des instances européennes,
j’ai posé une question écrite sur ce sujet : « Sur quels fondements la
Commission se base-t-elle pour obliger officiellement la France à
permettre l'entrée en bourse des clubs de football français et ce
faisant, préjuge du fait que les activités sportives seraient des
activités économiques ordinaires? Cette marchandisation systématique
des activités humaines n'est en rien une obligation des traités. La
Commission européenne ferait mieux d'être plus active et opérationnelle
auprès des États membres sur la montée du racisme dans les stades
plutôt que sur l'entrée en bourse des clubs sportifs! »
La réponse n’a, pour une fois, pas tardé, et avec une poésie bien
particulière aux instances européennes : « La Commission a en effet
envoyé à la France un avis motivé lui reprochant l'interdiction absolue
qui est faite aux clubs sportifs professionnels de faire appel public à
l'épargne. L’Annexe I de la directive 88/361/CEE du Conseil du 24 juin
1988 pour la mise en œuvre de l’article 67 du Traité , qui présente une
nomenclature des mouvements de capitaux, précise que l’introduction en
bourse (III.B.i) et l’émission et le placement sur un marché des
capitaux (III.B.ii) d’actions ou d’obligations sont des mouvements de
capitaux au regard du droit communautaire. Dès lors, l’interdiction
formelle de faire appel publiquement à l’épargne constitue une
restriction directe à la libre circulation des capitaux garantie par
l’Article 56 du traité CE, et la Commission se devait d'agir en son
rôle de gardienne du Traité.
La Commission considère en effet de ce fait que les activités sportives
professionnelles constituent des activités économiques au sens du
Traité, car cela a déjà été établi à de nombreuses reprises par la Cour
de Justice européenne. Cette approche ne traduit en rien une volonté de
marchandisation du sport, mais provient simplement du constat que la
professionnalisation du sport transforme celui-ci en une activité
économique à part entière, ce qui peut aisément se constater au vu de
l'ampleur des activités et des budgets gérés par les clubs et
fédérations sportives. »
Revenons à Venise , ville qui a déjà vendu toutes les petites iles de
sa lagune. Maintenant les Palais ! Mais que fera cette ville
lorsqu’elle aura vendu tout son patrimoine et que les riches de la
planète se seront accaparé un des joyaux de l’humanité ! c’est vraiment
une vision à courte vue..
C’est aussi celle de la droite Française qui a bradé peu à peu tous les
fleurons industriels du pays et qui découvre aujourd’hui avec les Opa
hostiles qu’elle a bien imprudemment lâché les actions publiques, lui
permettant de maintenir sur le territoire national une capacité
industrielle essentielle et des emplois !!! Et tout cela pour financer
la baisse d’impôts des plus riches, de ces entreprises qui multiplient
les bénéfices redistribués aux actionnaires…
Et puisqu’il ne reste plus grand-chose à privatiser, c’est au patrimoine immobilier de l’Etat que le gouvernement veut désormais s’attaquer. Il prépare la vente de ce patrimoine. La méthode est toujours la même. Phase un : discréditer la gestion de ce patrimoine ( alors que justement aucunes décisions n’ont été prise pour gérer ces biens avec intelligence et transparence). Phase deux : répeter que pour bien gérer , il faut « rationnaliser » et privatiser. Phase trois : passer à l’acte après avoir anesthésier l’opinion. La vente de l’immobilier des entreprises est très à la mode, C’est un des grands accélérateurs de la spécukation immobilière.. L’Etat veut s’y mettre, nous privant de tout un patrimoine ( valorisable en loyer) pour boucler ses fins de mois et multiplier les cadeaux fiscaux aux plus favorisés.. La boucle est bouclée : les riches sont deux fois bénéficiaires : ils paient moins de taxes et s’approprient les biens publics les plus valorisants.. C’est 1789 à l’envers.. Ne laissons pas faire. Les jeunes défilaient samedi avec comme slogan « résistance ».. Ils ont raison. Résistons.
1. JO L 178 du 8.7.1988
2. C-36/74 Arrêt du 12/12/1974, Walrave et Koch / Association Union
Cycliste Internationale e.a.; C 13/76 Arrêt du 14/07/1976, Dona /
Mantero; C-415/93 Arrêt du 15/12/1995 , Union royale belge des sociétés
de football association e.a. / Bosman e.a.; C-206/01 Conclusions de
l’Avocat général du 13/06/2002, Arsenal Football Club.