Le débat fut très instructif et riche à Lens. D’abord un coup de chapeau à la fédération du Pas de Calais qui a su innover et nous offrir un moment politique de haut niveau. Sans parti pris excessif, je dois dire que Laurent Fabius nous a fait un discours de tribun, d’homme d’Etat, une analyse politique de haut vol ou on retrouvait tout à la fois l'obligation de combattre avec force Sarkozy et entrainer autour de perspectives concrètes et d’avenir.
D’ailleurs, les militants présents ne s’y sont pas trompés et les ovations ont été particulièrement nourries. Alors qu’au dire de chacun et au vue des sondages, c’était loin d’être joué. Il y eu la forme, mais surtout, il y a eu le fond, et bien sûr là est l’essentiel. Lionel Jospin fit aussi une intervention forte avec ce sens de l’analyse qu’on lui connaît, sa défense sans concession d’une certaine façon de faire de la politique, sa conception du parti (qui n’est pas un parti de supporter), de la démocratie (qui n’est pas d’opinion) et du socialisme. Un Lionel Jospin fidèle à lui-même. Je n’ai pas pu percer s’il serait ou non candidat. J’ai plutôt eu l’impression qu’il se situait comme un grand sage, avec une sorte de recul. Mais ce recul est assez fréquent, alors il est difficile de tirer des plans sur la comète.
Sur le fond, quelques différences sont apparues très nettement, même si elles n’ont pas toujours été perçues et relatées par les médias. Dominique Strauss-Kahn a assumé avec courage sa ligne social-démocrate qui revient à une forme de banalisation européenne du socialisme Français et de notre pays. Je suis en désaccord profond avec ce choix qui fait la part trop belle à l’acceptation de la domination du libéralisme et du marché. Nous avons déjà eu avec lui un débat lors du référendum sur l’Europe. Brillant, inventif, il n’en est pas moins résolument à la droite de la gauche. Nous ne pourrons pas gagner sur cette ligne et encore moins répondre à l’aspiration de nos concitoyens. Mais il a le mérite d’assumer une orientation politique.
Ségolène Royal fut beaucoup plus ambiguë. Dans un premier temps, et
sans contradiction, ces ambigüités n’apparaissent pas nettement mais,
lorsqu’elles les lèvent, il y a des choix qui sont inquiétants. Par
exemple, elle affirme dans un premier corpus de phrases que nous devons
rééquilibrer le rapport entre le capital et le travail...fort bien!
Mais juste après elle ajoute " en réduisant les taxes qui pèsent sur le
travail"... et rien d’autre! Rien sur la hausse des salaires, et aucune
référence à la relance du pouvoir d’achat. Or la baisse des taxes et
impôts sur le travail sont la revendication du Medef et le programme de
la droite. Au passage cela ne change en rien le rapport capital
travail. Au contraire c’est l’Etat et la collectivité publique qui
mettent la main à la poche. Seuls la revalorisation des salaires et
l’accroissement de la fiscalité sur le capital peuvent atteindre cet
objectif. Pourquoi Ségolène Royal choisit-elle les termes et la
proposition phare du patronat et de la droite ? Cette affaire des
salaires n’est pas nouvelle. Elle avait renvoyé d’un revers de main la
proposition de Laurent Fabius sur une augmentation immédiate de 100
euros du SMIC dès 2007 pour atteindre rapidement les 1500 Euros
(proposition à l’époque ironiquement critiquée et désormais reprise par
notre projet). Mais il est vrai qu’il y a quelques semaines, dans le
Figaro, Julien Dray, conseiller de Ségolène Royal, disait que la
présidentielle se jouerait sur la sécurité !
Je pense que la gauche ne gagnera que si elle impose que l’enjeu social
et économique soit premier ! Il l’est dans la vie quotidienne des
français.
Par ailleurs j’ai trouvé sa déclaration sur le développement de l’Afrique un peu sommaire. Elle estimait que l‘Afrique avait une grande chance et une richesse incomparable: le solaire ! Les africains apprécieront. Là encore comment éluder l’indispensable redistribution des richesses et la nécessité de ne pas laisser un développement uniquement aux mains du marché? Mettons cela sur le compte du manque de temps. Mais j’avais déjà été alertée par ses déclarations sur le co-développement où il n’y avait jamais le moindre engagement financier ou opérationnel exigeant pour la France, l’Europe et les pays riches.
Laurent Fabius a assumé sa ligne de gauche : relance des salaires,
soutien au pouvoir d’achat, politique écologique ambitieuse, relance de
la politique industrielle, lutte contre les délocalisations, fidélité
au Non français, réorientation de la construction européenne et pôle
public EDF GDF...à 100% public!
Il a plaidé pour le rassemblement des forces de gauche.
Le lendemain, à la fête de l’Humanité, il manifestait sa volonté d’être un acteur engagé de ce rassemblement. Car il ne suffit pas de faire des discours, il faut aussi construire des rapprochements d’où l’importance de la ligne de gauche et des gestes amicaux, des discussions approfondies pour converger. ! Dans les allées, on entendait des militants communistes qui lançaient: « c’est bien Laurent, tu as bien fait de revenir » ou bien « Tiens bon à gauche! ». La persévérance dans sa ligne politique commence à être comprise et reconnue! Pour ma part j’ai l’intime conviction qu’elle seule peut nous amener à la victoire.
Le chemin du rassemblement des socialistes et de la gauche aurait du être tracé plus tôt et par tous. Nous voilà à l’heure des choix alors ne tardons plus !