C’était le prix à payer pour avoir un débat, la forme était corsetée. Ségolène Royal refusait toute spontanéité, tout échange entre les candidats, sinon il n’y aurait pas de débat. Le choix de cette méthode a rendu les deux heures, du coup assez fastidieuses. Et tout a été fait pour faire un débat lisse (il ne le sera pas durant la campagne et après l’élection), rendre difficile les clarifications politiques, la compréhension exacte de ce chacun veut et pense en allant au fond.
Au-delà des commentaires de l’instant, les militants socialistes et les Français, avec le recul, doivent se poser quelques questions simples : Quels seront les points forts que les socialistes développeront dans leurs campagnes ? Quelles transformations tangibles, quelles améliorations concrètes seront engagées après l’élection du président de la république de gauche ?
Quelle différenciation avec la droite et Nicolas Sarkozy ?
Des engagements précis, une ambition forte chez Laurent Fabius.
D’abord les salaires et le pouvoir d’achat. 3 points sont essentiels
pour lui : Le Smic à 1500 Euros avant la fin de la législature, mais
100 Euros tout de suite dés juin 2007, une conférence salariale pour
répercuter cette hausse aux autres salaires.
Si les autres candidats acceptent (laborieusement) le SMIC à 1500
Euros, mais ne s’engagent ni sur un calendrier ni sur des résultats
clairs, à court et moyen terme. Pour sympathique que soit la
proposition de DSK de « négocier » cette hausse salariale.
L’expérience prouve qu’elle est inopérante. Le Medef bloquera. C’est
avouer que l’Etat se départit du seul outil existant pour une politique
salariale !
Du coté de Ségolène Royal, rien de très clair.
La question des salaires
n’est pas très importante pour elle ! Le plus important est de changer
l’indice des prix. Pourquoi pas, mais cela ne changera pas ce que les
salariés auront à la fin du mois. Changer l’outil, plutôt que de
politique, non merci.
D’ailleurs, les commentaires des médias et des « experts »
s’esbaudissent sur la modernité d’une stratégie où aucun changement
tangible n’est promis, n’est envisagé. L’idéologie dominante ne cesse
de louer ce manque d’ambition qui serait l’apanage de la politique
moderne. Je ne le crois pas. La reconquête des couches populaires, un
nouveau rapport à la politique ne peut s’engager qu’avec une
amélioration effective de leur sort, avec du sonnant et du trébuchant.
Clairement à gauche. Clairement socialiste
Mais ces propositions concrètes (il y en a de nombreuses), sont mises
en perspective au service d’un vrai projet de société d’un projet de
gauche.
Il est urgent de rééquilibrer la rémunération du travail par rapport à celle du capital.
Il est urgent de restaurer un contrepoids de l’Etat et de la politique,
en France mais aussi en Europe pour faire plier la logique du
capitalisme financier mondialisé.
Il est urgent de réorienter l’Europe et de placer le social, le
développement Humain comme préalable à nos politiques économiques et
non comme supplément d’âme quand les profits ont été accumulés et
captés par les plus riches.
La social démocratie ne convainc plus.
DSK annonce la couleur, il est social démocrate.. Pour moi ce n’est guère le moment. Partout en Europe, la social démocratie, même en Suède connaît de sérieux revers et est incapable de juguler les montées de l’extrême droite. Et pour cause les reculs sociaux sont patents( âge de la retraite, précarité, flexibilité).. D’ailleurs, l’argument de DSK n’est pas nouveau, il l’a déjà utilisé pour « convaincre » les Français de voter pour la constitution Européenne. On sait la suite. Et pour cause le talisman de la victoire de la gauche en France, c’est le lien entre la République, pas une vision molle du changement qui accepte trop le libéralisme.
A y regarder de plus près, le blairisme …
Mais derrière les exemples locaux de Ségolène Royal et des
démonstrations que j’ai eu du mal à suivre quand à sa vision de
l’économie pointe des propos inquiétants qui sous les sourires et
apparences de « bon sens » sont parfois purement et simplement les
phrases et analyses de la droite et du Medef.. Et là bien caché sous
un apparent volontarisme régional ( à propos les pôles de compétitivité
c’est Raffarin et les régions protestent contre la faiblesse des
engagements financiers de l’Etat. De plus ils sont souvent
interrégionaux, et la décentralisation ne favorisera pas ces projets
lourds d’envergure international), se profile une vraie ligne
blairiste, aux mots près. Rappelez vous le bon vieux concept
d’employabilité du New Labour !
« SR : C’est vrai. L’adéquation ne se fait pas facilement, c’est pour
ça, il faut améliorer ce qu’on appelle d’un mot un peu complexe,
l’employabilité des français, c'est-à-dire qu’on leur donne une
formation professionnelle. Nous le faisons d’ailleurs au niveau des
régions, une formation professionnelle personnalisée avec un
accompagnement personnalisé en fonction des besoins de l’économie.
C’est ce travail la qui a été fait dans les pays nordiques et qui
explique ce taux d’activité. »
On y retrouve aussi la démonstration sur notre mauvais taux d’activité
pour les 16 65 ans.. Et pour cause la plupart des enfants vont à
l’école jusqu’à 18 ans et la retraite est en France à 60ans. Elle omet
de dire que nous avons la meilleure productivité horaire …
C’est surtout faire porter la charge du chômage sur les chômeurs, c’est
exactement ce que disent la droite et le patronat. En plus c’est une
vielle lune que l’ancien CNPF brandissait déjà dans les années 70 !
Rien sur la revalorisation de ces métiers et des salaires pour les
rendre attractifs, rien sur une relance de la demande par le pouvoir
d’achat et les investissement.. C’est la théorie libérale de l’offre, à
laquelle chacun doit se soumettre de gré ou de force.
Au passage, on voit bien qu’en développant la formation professionnelle
dans les régions, cela ne règle pas le problème de fond, macro
économique (la croissance), ni social (détricotage du modèle social).
Quand aux pays nordiques, les syndicats contestent les bons chiffres du
chômage qui selon eux exclut toute une partie de la population mise
hors jeu et qui n’est plus comptée. D’ailleurs dans tous ces pays ce
sont les libéraux qui désormais dirigent !
Les 35 H honteux ou la généralisation réussie ?
Même argument sur les 35H ! Evidemment personne ne nie que la mise en
place des 35H a pu poser des problèmes de salaires. Pour ma part je
l’ai toujours dénoncer, même lorsque nous étions au pouvoir et ou S
Royal n’en parlait pas et louait notre non bilan.
C’est d’ailleurs pourquoi L Fabius insiste lourdement sur les salaires, le refus du temps partiel subi et la précarité.
Mais dans la période, ne rien proposer comme le fait S Royal, et
critiquer des cas minoritaires, revient à mettre de l’eau au moulin de
la droite ! J’ai été choquée qu’elle ne fasse pas l’ombre d’une
proposition pour réaliser ce qui est dans notre projet, c'est-à-dire
leur généralisation.
Fabius est net : égalité entre salariés des grandes entreprises (qui
ont souvent les 35H) et les PME ( qui les ont peu), rémunération
renforcée des heures supplémentaires (les assouplissements ont été le
prétexte de baisser la rémunération horaire), suppression des
allégements de charge aux grandes entreprises pour soutenir la
recherche et accompagné les PME. Renforcement du pouvoir d’achat des
salariés.
Réaliser des logements qui répondent aux besoins effectifs des français, rendre le droit opposable ou vendre les HLM ?
Le débat sur le Logement a été bref, mais là encore SR a repris une proposition de N Sarkozy, à savoir la vente du parc HLM à ses occupants bon payeurs. C’est la « solution » que tous les libéraux ont préconisée et ont mis en place, pour éviter d’investir dans le logement et partout cette politique a renforcé les problèmes. Le retard en locatif LM est tel qu’il ne faut pas s’en départir, ensuite ce qui serait vendu le serait dans des endroits bien situés où il sera difficile d’en produire de nouveau (cf risques accrus de ghettoïsation). Mais surtout la relance de l’accession sociale à la propriété passe par des politiques plus ambitieuses, en particulier la TVA à 5,5% et l’exonération d’impôt foncier.. C’est dans les sept engagements de L Fabius. Les socialistes des Hauts de Seine savent que la « solution » préconisée par S Royal est celle que soutient financièrement le président du conseil régional du 92 N Sarkozy.
Ah L’air du temps !
Mieux vaut le temps de la gauche.
En tout cas, l’ancrage à gauche de Laurent Fabius, le choix stratégique du rassemblement de toute la gauche, sont seuls capables de nous faire gagner contre Sarkozy !