Nous ne connaissons pas encore l’ensemble des raisons qui ont conduit au grand délestage privant d’électricité de nombreux secteurs de la plupart des pays d’Europe. Mais dés à présent, on peut tirer quelques leçons de l’incident, confirmer des craintes sur la façon dont l’Union Européenne a voulu se mêler du « grand marché » de l’électricité et proposer d’autres orientations.
Première leçon : l’interopérabilité entre pays, préalable sensé permettre l’accès libre de chacun au fournisseur d’énergie de son choix et la mise en concurrence rend les systèmes plus vulnérables, et la moindre difficulté dans un secteur a d’immédiates et parfois lourdes conséquences sur toute l’Europe !
On aurait pu développer une logique de coopération entre Etats qui permettait des échanges organisés et non cette toile géante difficilement maitrisable et sensible au moindre disfonctionnement ! le marché développe les échanges tous azimuts plutôt que de développer des réponses territoriales adaptées et économes.
Seconde leçon : l’ouverture au marché de l’énergie et la privatisation des opérateurs amène inévitablement à la recherche du meilleur cash flow et des profits pour les actionnaires. Or la fourniture d’énergie exige des investissements à très long terme avec un rendement financier qui n’est pas immédiat et pas toujours très rentable. Aussi plutôt que d’investir dans de nouvelles formes de production, dans la modernisation des réseaux, les grands opérateurs jouent au grand Monopoly des rachats et concentrations et nous accumulons des retards tant en ce qui concerne les sources de production que la qualité et la sécurité des réseaux. Or il semble bien que cette panne mette en évidence une faiblesse globale de capacité productive, en tout cas dans les périodes de pointe. D’ailleurs un récent rapport établi par le consultant Cap Gemini pour l’Union Européenne mettait en évidence une insuffisance des moyens de production dans de très nombreux pays. La libéralisation avait déjà eu cet effet en Californie, amenant cet état à reprendre en main l’organisation de la production et de la distribution d’énergie. Au passage notons que cette « rareté » arrange bien les opérateurs car ils peuvent ainsi facturer à la hausse le prix de l’électricité et du coup accroître leurs profits ! Il est urgent d’abandonner cette stratégie de l’ouverture généralisée de la concurrence dans l’énergie et de retrouver l’idée du service public !
Troisième Leçon : l’énergie est un enjeu majeur qui exige une intervention forte de la puissance publique, d’une part pour garantir une production suffisante, d’autre part une diversification des sources tout en tenant compte des pics de consommation, pour assurer l’égalité des territoires, des prix raisonnables et l’accès de tous à une électricité de qualité, ainsi que la sécurité des réseau et de l’approvisionnement. C’est pourquoi nous avons plaidé pour le retour d’Edf à un capital 100% public et la constitution d’un pôle public EDF GDF.
Quatrième leçon : Il y a encore d’énormes efforts à développer pour les économies d’énergie. C’est vrai pour combattre l’effet de Serre et les changements climatiques mais c’est aussi très important pour éviter ces pics de consommation quand il fait très chaud ou très froid. Cette mobilisation pour réduire la consommation d’énergie doit être dans le cahier des charges des entreprises publiques, comme d’ailleurs la production d’énergie renouvelables, qui en l’occurrence ne sont pas toujours utilisables dans des situations extrêmes mais très nécessaires au demeurant.
Cinquième leçon : une communauté européenne de l’Energie, à l’image de la CECA (Communauté Economique du Charbon et de l’Acier, premier pilier de la construction Européenne dans l’après guerre) et nécessaire et doit assurer une complémentarité d’interventions publiques convergentes, qui soutienne des accords internationaux d’approvisionnement qui contribue sérieusement à la diversification énergétique et aux économies d’énergie et prévoit des investissements suffisants pour la production et la qualité des réseaux pour aujourd’hui et pour demain, qui soutienne la recherche à moyen et long terme , qui permette aux Etats membre de mettre en place un vrai service public de l’énergie. C’est un des champs majeurs de la relance européenne qui peut allier politique industrielle développement durable et service publique, création d’emploi et haute technologie !
Surtout tordons le cou à l’idée d’une haute autorité régulatrice qui sert d’alibi à une accélération de la dérégulation et du tout marché. L’énergie a besoin d’un pilotage public fort et cette autorité c’est l’abandon d’une souveraineté populaire et nationale à une structure indépendante responsable du bon fonctionnement du marché ; On imagine !
J’entends déjà la logomachie des libéraux de la commission européenne : Il faut plus de marché, plus de concurrence et une autorité indépendante.. De toute façon quelque soit le problème, leur discours est toujours le même. Les échecs sont hélas, eux aussi systématiquement au rendez-vous ! Là est la panne de l’Europe.