Comme prévu, le traité Merkozy appelé «pacte budgétaire» a été signé par les dirigeants européens. Et la commission a fait son gendarme en lançant les remontrances habituelles aux pays qui ne tiennent pas leur engagements d'avoir réduit leur déficit budgétaire à 3% du PIB. Et là, la liste de ceux qui ne tiendront pas ce cap (pacte de stabilité) s'allonge et même les grands donneurs de leçons sont pris le doigt dans la confiture
Les Pays-Bas, pourtant prompts à critiquer le laxisme budgétaire de leurs partenaires s'attendent à ce que le déficit public atteigne 4,5 % du PIB cette année mais surtout qu’il dépassera encore l'an prochain la limite européenne de 3 %, ainsi qu'en 2014 (4,1 %) et en 2015 (3,3 %). Pourtant, leurs dirigeants en rajoutent pour imposer au sein de l’UE, la fameuse règle d'or avec des sanctions quasiment automatiques. Croient ils se dédouaner de leurs mauvais résultats d'aujourd'hui en projetant un carcan et des absurdités pour demain?
Cette fuite en avant est tragique, car elle empêche toute remise en cause des choix européens qui ont amenés nos pays et nos peuples dans le mur. Oui il faut bien parler des pays et des peuples, car même en Allemagne, si les indicateurs macro-économiques paraissent meilleurs, la réalité sociale du pays est marquée par un net recul du modèle social avec un accroissement alarmant des travailleurs et retraités pauvres.
Cette fuite en avant est une stratégie anti-croissance par nature. En effet, la réduction des crédits budgétaires, sans imposer une lutte sans merci contre le dumping et l'évasion fiscale, prive nos économies, d'investissements en faveur de la croissance. Le dumping social pousse à la baisse du pouvoir d'achat et de la consommation.
Il faudra donc renégocier le traité. Que le gouvernement ne nous dise pas que la parole de la France est engagée et qu'il n'est pas possible de rediscuter avec nos partenaires. C'est faux.
Le gouvernement Fillon et N Sarkozy signent un traité dont ils savent pertinemment qu'il n'est pas approuvé par les Français qui plus est, à moins de deux mois de l'échéance présidentielle. Est-ce bien raisonnable et conforme à une certaine éthique du pouvoir? Pour ma part j'en doute. Il suffit de voir les sondages pour mesurer le désaccord des Français. Mais, pour le moins, il eut été judicieux d'interroger les assemblées avant toute signature! Nicolas Sarkozy aurait pu constater une nette opposition en particulier au Sénat. D'ailleurs, en Allemagne, le Parlement doit être consulté en amont et la Cour constitutionnelle de Karlsruhe peut s'opposer. Voilà des années que je demande que nous nous dotions dans la constitution française de mécanisme similaires! L'idée semble faire son chemin, mais il y a urgence car on ne peut plus accepter ces politiques du fait accompli, décidées à Bruxelles en notre nom sans que nos institutions représentatives n'aient eu à prendre leurs responsabilités et à donner leur accord.
Mais, même une fois signé par Nicolas Sarkozy, ce traité doit être ratifié par la France soit par un vote parlementaire, soit par un référendum. A supposer que nos partenaires européens ne veuillent pas renégocier - ce qui me paraît totalement impossible- il suffit que notre pays refuse de ratifier le traité! Cela créera un blocage qui imposera de rediscuter.
Soyons clairs, la renégociation supposera d'une part un changement de l'actuel traité (règle d'or, sanctions automatiques etc) d’autre part, une réelle stratégie de croissance!
la croissance le mot est lâché, l'actuel sommet européen devait se pencher sur la croissance.. Mais derrière les mots se cachent des politiques extrêmement différentes et la recherche de la croissance sert aussi de prétexte à la poursuite et l'amplification du libéralisme et de la financiarisation. La preuve en est donnée par la lettre publiée par 12 états européens dont la Grande-Bretagne, l'Espagne et les Pays Bas qui demandent aux instances européennes de libéraliser tous les services en particulier l'énergie, de signer un traité de libre-échange avec l'Inde et quelques autres pays. Bref, on croit rêver! Tout se passe comme si la crise et la faible croissance de l'UE depuis l'acte unique ne les faisaient pas réfléchir. Errarer humanum est, perseverarer diabolicum.
Cette vision libérale de la croissance nous est hélas connue. On y retrouve toutes les recommandations de la commission Attali. Le FMI les met en œuvre en Grèce. On voit la catastrophe et l'inefficacité mais aussi le côté purement idéologique qui confine à l'absurde. On voit mal comment la libéralisation des taxis, des notaires, la baisse du Smic privé va avoir le moindre impact sur la baisse des dépenses publiques et la relance de la croissance. Au contraire! C’est pourtant imposé à la Grèce et à l’Italie.
Les instances européennes continuent à promouvoir la baisse des cotisations sociales pour soit disant améliorer la compétitivité de l'économie. Il faut se souvenir que plus de 70% des échanges de nos pays se font dans l’UE. Alors si tout le monde baisse les cotisations, cela ne changera pas réellement la situation de la compétitivité relative ou même globale en Europe. En revanche, cela asséchera nos protections sociales, donc l'accès à la santé, pourtant un pan de notre économie. Cela baissera nos retraites et plombera la consommation.
Alors ne nous laissons pas tromper par les mots, regardons les choix réels suivis, les effets concrets à court et long terme des politiques annoncées.
Le choix doit être clair: continuer voir amplifier la politique libérale ou réellement changer en redistribuant les richesses, en protégeant une partie de nos échanges, en instaurant des convergences sociales et harmonisation fiscales vers le haut en Europe, en soutenant des politiques industrielles avec des investissements voir des capitaux publics!