Chers amis, chers camarades, face à une droite dure, nous avons besoin d’une gauche forte. C’est pourquoi l’essentiel aujourd’hui est bien de gagner nos élections législatives et d’en faire un succès. Il y a un temps pour tout, nous aurons le temps des analyses, des bilans, mais l’urgence aujourd’hui est la reconquête. Nous devons partir du socle de l’élection présidentielle, mais il est clair qu’il faut regagner du terrain dans le cœur de cible de la gauche, chez les salariés, chez les employés car nous n’avons pas fait le plein dans cet électorat. Et il suffit de regarder la carte géographique pour voir que les terres ouvrières, que les terres industrielles n’ont pas répondu présentes à l’appel.
Alors, il nous faut, dès ces élections législatives, tenter de les
reconquérir. Et pour cela, il n’y a pas de miracle. Il va falloir
démonter pied à pied toute une série d’illusions, de thématiques que
Nicolas Sarkozy a développées pour eux en contradiction flagrante avec
bien d’autres de ses points de vue et qui ont su, hélas, parfois les
séduire, et en tout cas les égarer.
Il y a la question salariale, le
« travailler plus pour gagner plus », nous devons y opposer avec
fermeté une augmentation générale des bas et moyens salaires car notre
stratégie doit être : gagner plus pour travailler tous. D’ailleurs,
rappelez-vous le débat, il a bien expliqué que travailler plus était
important pour gagner plus car gagner plus allait créer de la
croissance. Donc la thématique selon laquelle le pouvoir d’achat des
couches populaires porte la croissance est une thématique majoritaire
dans ce pays. Et si le doute s’est instillé sur la question du SMIC et
des salaires, c’est que nous-mêmes n’avons pas toujours avec clarté
défendu cette ligne stratégique.
Premièrement, le SMIC est
essentiel, mais il devait entraîner l’ensemble des salaires, mais
surtout la crédibilité de cette proposition revenait au fait que nous
proposions, en tout cas dans le projet socialiste, et je l’espère dans
la plate-forme législative, nous proposions une refonte du calcul des
cotisations sociales et nous proposions une refonte des aides aux
entreprises pour pouvoir permettre aux PME qui ont beaucoup de salariés
d’assumer l’évolution des salaires.
Et cela nous ramène au cœur de
cible politique : la gauche, c’est d’abord un socle sociologique, c’est
d’abord les travailleurs, c’est l’alliance des productifs. François
Mitterrand l’avait dit le soir de la défaite de 1974, mais nous étions
à 49 %, la gauche va gagner parce qu’elle unit les forces de la
jeunesse, de la création et du travail. C’est ce socle politique-là,
sociologique-là, qui est aujourd’hui encore le garant de la victoire et
de l’identité de la gauche.
Le deuxième grand sujet, c’est l’Europe.
Quand vous pensez que Sarkozy est capable de nous vendre à la fois un
mini-traité qui va faire plaisir à tous les libéraux et en même temps
la préférence communautaire, et que nous, alors qu’une large part de
notre électorat a voté non au référendum, nous sommes balbutiants sur
la capacité d’imposer un nouveau rapport de forces dans l’Europe pour
réorienter sa construction dans un sens moins libéral, plus protecteur
et qu’il faut défendre avec force l’idée de l’Europe sociale, si nous
sommes timorés sur ce sujet, chers amis, chers camarades, nous ne
récupérerons pas ce cœur de cible de la gauche.
Le troisième
grand thème, ce sont les services publics, nous n’en avons pas assez
parlé dans cette campagne parce que c’est ce qui fédère la France des
villes et des campagnes, c’est ce qui fédère le périurbain avec la
France agricole. Et, dans ces territoires, nous n’avons pas là non plus
fait le plein des voix. Quand on a revendiqué EDF 100 % publique, nous
ne l’avons pas assez dit, c’est à la fois reprendre la main sur des
plans stratégiques pour notre économie et pour notre industrie, et
c’est en même temps développer les services publics. Nous avons des
sujets d’actualité, la libéralisation de La Poste vient d’être acceptée
par le gouvernement français, le Livret A va être démantelé et menace
les services publics. Et même le bel enjeu écologique, il est porteur
de la nécessité du service public. Qui peut imaginer qu’on va dépolluer
nos eaux, nos océans, sans créer enfin un vrai service public de l’eau
dans ce pays ?
Alors, si je m’enflamme un peu, c’est que j’ai
l’intime conviction que se jouent autour de ces sujets-là, non
seulement notre victoire électorale, mais cette question essentielle de
l’identité nationale.
Oui, il y a un problème d’identité nationale,
oui, c’est un challenge politique entre la gauche et la droite de
savoir qui va porter l’identité nationale. Cela a toujours été un débat.
Celui
qui a gagné dans ce pays, qu’il soit de gauche et de droite, est celui
qui a préempté le camp républicain, qui a donné le sentiment à juste ou
à mauvais titre de défendre l’idéal républicain. Et Sarkozy, dans la
filiation de la droite, a mis le paquet sur l’ordre républicain, sur
les droits civiques et civils, notamment de la propriété, pendant que
la gauche qui a toujours historiquement été portée par Jaurès, avait
comme contrepoids la République sociale, celle des droits universels,
celle de la redistribution, celle de la mutualisation des risques.
C’est cette vision là que nous devons porter car c’est celle-là qui
nous fera reconquérir du terrain sur Nicolas Sarkozy. Elle a un nom,
elle s’appelle la République de Jean Jaurès. Cet héritage qu’il veut
nous capter en citant Blum et Jaurès. Et moi, je vous le dis, ce n’est
pas en allant chercher dans la social-démocratie en crise de l’Europe
du Nord où je ne sais où ailleurs un modèle pour l’avenir de notre
pays. Ce modèle, nous l’avons en germe, nous devons le dépasser, nous
devons l’actualiser, nous devons lui donner de la force, c’est le
socialisme républicain de Jaurès et qu’on ne nous fasse pas l’idée de
ces alliances au centre qui visent à nous faire perdre notre âme. Nous
ne tirerons à nous une grande majorité de ce peuple que si nous sommes
forts. Et, pour être forts, il faut des repères clairs, il faut des
valeurs assises, assises dans l’histoire, ouvertes sur la modernité.
Ces valeurs claires, nous les avons, il nous suffit d’être les dignes
héritiers de Jaurès : ouverts à tous, mais aucune alliance organisée
avec un centre que nous sommes en train de créer car nous légitimons
que nous sommes insuffisants, que nous ne sommes pas modernes, que nous
n’avons pas assez évolué, on leur laisse le champ de la modernité pour
nous justifier ensuite des allances qui nous feront perdre notre âme,
perdre aussi sur notre gauche, je pense que la force du Parti
socialiste est suffisante pour redresser la barre autour de cette belle
thématique, la République sociale.