La politique de l’eau en France dépend totalement des législations européennes et hélas nous sommes bien en retard et en retrait en la matière.
Marie-Noëlle Lienemann est la grande spécialiste de l’eau au Parlement européen. Elle fut le rapporteur de la directive cadre sur l’eau en 2000 qui concerne toutes les eaux douces et est actuellement rapporteur pour la directive «stratégie marine» qui concerne l’eau de nos mers et océans.
La directive cadre sur l’eau
Elle concerne tant les eaux douces de surface que les eaux souterraines.
Elle n’annule pas certaines directives actuelles en particulier celle sur les rejets de produits comme les nitrates, le mercure ou les eaux résiduaires urbaines.
C’est une directive cadre, ce qui signifie que des directives thématiques plus précises peuvent être votées pour la mettre en œuvre. Elle est en vigueur depuis décembre 2000
- Restaurer le bon état écologique des eaux douces de l’Union Européenne en 2015
- Prévenir la détérioration, améliorer et restaurer l’état des masses d’eaux de surface
- Réduire la pollution dûe aux substances dangereuses.
Une liste de substances prioritaires qu’il convient de supprimer, réduire ou faire disparaître est établie
- Protéger et restaurer les eaux souterraines, prévenir leur pollution et assurer un équilibre entre leur captage et leur renouvellement.
- Préserver les zones protégées et de captage pour l’eau potable
Une méthode d’action :
Elle définit une méthode de gestion de l’eau
° le bassin hydrographique
- La cohérence : chaque Etat doit recenser tous les bassins hydrographiques et les rattacher à un district qui peut être sur un seul pays ou international.
- La connaissance: chaque bassin hydrographique doit faire l’objet d’ici fin 2004 d’une analyse précise de ses caractéristiques et d’une étude sur les incidences de l’activité humaine
- Des plans de gestion opérationnels accompagnés d’un programme de mesures établi avant fin 2009
° Les objectifs qui doivent être atteints avant 2015
° Des tarifs incitatifs pour une utilisation économe de l’eau qui veille à ce que les différents secteurs économiques contribuent à la récupération de tous les coûts liés à l’utilisation de l’eau (échéance 2010)
- La transparence, l’information et la consultation des habitants concernés, des associations ou ONG, notamment dans la définition des plans de gestion
-Des rapports réguliers de suivi, le premier avant 2012, puis tous les 6 ans
Les normes de qualité environnementale dans le domaine de l’eau
Il s’agit d’une déclinaison de la directive cadre sur l’eau de 2002 qui exige un niveau élevé de protection des eaux. Sont concernées ici les eaux de surface. Le parlement prépare le vote de cette directive «fille» pour le printemps. Elle
- fixe les mêmes normes de qualité des eaux pour les pollutions chimiques dans tous les pays d’Europe
- met en place de nouvelles mesures de réduction des émissions et surtout de contrôle qui sont indispensables
Les normes sont définies pour des polluants ayant pour origine des pratiques agricoles, industrielles et ménagères avec des seuils à ne pas dépasser (seuils moyens et seuils en cas de crise aigüe)
Il existe trois sortes de substances traitées:
• les substances prioritaires (avec seuil): elles sont au nombre de 33: benzène, plomb, naphtalène, trichlorobenzène, etc.
• les autres polluants: 8 substances : DTT, endrine, etc.
• les substances dangereuses prioritaires : 14 substances qui devront progressivement disparaître des eaux (la date butoir d’arrêt est 2025). Parmi ces quatorze substances on trouve l’anthracène, le cadmium, l’hexachlorobenzène, le mercure, les hydrocarbures aromatiques, etc.
Les directives thématiques qui en découlent précisent la directive cadre:
- sur les substances prioritaires qui en établit la liste, les exigences fixées, ainsi que les objectifs de concentration tolérée (plus de 33 substances ou groupes de substances)
- sur la protection des eaux souterraines
- sur les normes de qualité environnementale dans le domaine de l’eau
- Directive contre la pollution par les nitrates à partir de sources agricoles datant de 1991, inscrite dans le droit français mais qui est loin d’être appliquée sur le terrain
- Directive sur la biodégradabilité et l’étiquetage des détergents, en cours d’examen dans les instances européennes avant le vote en seconde lecture au Parlement européen
- Directive sur le mercure datant de 1982 et actualisée en 1991
Une Directive sur les eaux de baignade
L’union européenne vient d’actualiser les normes de qualité des eaux de baignade. La mauvaise qualité de l’eau peut provoquer des maladies respiratoires, de peau, des allergies et infections, etc.L’élargissement de l’Union européenne a rendu particulièrement délicate cette remise à plat puisque beaucoup de nouveaux Etats entrants étaient moins rigoureux. Marie-Noëlle Lienemann était rapporteur fictif de cette directive pour le groupe PSE. Les nouvelles normes réduisent les risques sanitaires de 12 à 8%. Les efforts concernent la teneur en bactéries susceptibles de créer des problèmes gastriques ou pulmonaires. En 2008 une analyse sur les risques liés aux virus permettra, si besoin, d’introduire des critères sur ce point. Le parlement européen a obtenu l’obligation d’une information permanente des baigneurs sur internet et surtout par une signalisation identique dans toute l’Union européenne qui précisera le niveau de la qualité des eaux de baignade.
Cette nouvelle directive entrera en vigueur en 2009. Toutes les collectivités locales en bord de mer ou au bord d’une rivière, d’un plan d’eau doivent s’y préparer.
Protéger nos mers et océans
Après les grandes pollutions maritimes comme celles de l’Erika, les marées noires, l’Union européenne a pris bien tard, des mesures pour sécuriser le transport maritime. Il reste à faire réellement appliquer ces lois et ces contrôles. Mais l’alerte est aujourd’hui plus globale : nos mers et nos océans accumulent les pollutions, se vident de leurs poissons et de la vie. Le changement climatique va voir immerger d’importantes parties des terres et la détérioration des océans va accroitre l’effet de serre, provoquant une spirale redoutable qu’il faut stopper au plus vite.
Une nouvelle directive « stratégie marine », a pour objet de restaurer le bon état écologique des mers et océans dans l’Union européenne. Elle vient d’être votée en première lecture au Parlement européen qui a très massivement soutenu le rapport de MN Lienemann. Cette directive est le pilier environnemental de la stratégie maritime qui se discute actuellement dans les instances de l’Union et concerne toutes les activités en mer.
La nouvelle directive «stratégie marine» prévoit plusieurs étapes
1-les Etats doivent coopérer par grandes régions marines (Méditerranée, océan Atlantique, Mer du Nord, Baltique, Mer noire…) et associer les autres pays environnants pour atteindre ce bon état écologique
2-Un bilan sur l’état actuel de chaque région marine de l’écosystème et sur les pollutions subies. Ce sera un gros effort d’analyse, de surveillance, de recherches nécessaires à une bonne connaissance de la situation et des possibilités d’actions efficaces
3-L’établissement dans chaque zone des objectifs écologiques à atteindre et des actions à entreprendre. Elles seront arrêtées comme plan d’action par chaque Etat européen.
La Commission Européenne a proposé que l’objectif final retenu soit 2021 et le parlement européen veut rapprocher l’échéance à 2017.
Les exigences du Parlement européen
- Que la directive soit réellement contraignante. Des conventions internationales ont déjà été signées par nos pays sans être toujours mises en œuvre. D’où la nécessité pour l’Europe d’aller plus loin et de passer à l’acte.
- Que la définition du bon état écologique soit précise et rigoureuse, afin que l’on ne se paie pas de mots.
- Que soient créées des
« Zones marines protégées » où seront interdites des activités susceptibles de perturber la faune et la flore et sa reproduction. De telles Zones existent en Australie et ont montré leur efficacité pour assurer la reproduction des poissons et en particulier des espèces menacées. Or il y a de plus en plus de poissons menacés de disparition dans nos mers. Marie-Noëlle Lienemann et le parlement ont engagé un bras de fer sur cet enjeu majeur.
Après le vote en première lecture du Parlement Européen, le conseil des ministres doit transmettre sa proposition d’ici juin 2007, le Parlement votera en seconde lecture à l’automne et il est fort probable que cette directive sera définitivement approuvée avant le printemps 2008.
Mais aujourd’hui le gouvernement français, avec les anglais entre autres, freine et cherche à atténuer les exigences, les obligations et au bout du compte les résultats. Il est très important que chacune et chacun d’entre nous amène nos responsables à sortir de leur timidité et de leur inertie !