Marie-Noëlle Lienemann répond à L’INTERVIEW DU JOUR de Nord Eclair
"Je considère que la défaite du PS à la présidentielle est extrêmement lourde, et qu’elle est en grande partie liée au choix des thèmes de campagne que Ségolène Royal a développés. Elle est vraiment la principale responsable de cet échec. Et cela peut se constater dans l’écart de voix qu’il y a eu entre ce qu’elle a obtenu à la présidentielle (25,87 % au premier tour) et ce que le PS a récolté aux législatives (28,6 % au premier tour). Il y a un réel manque de confiance des électeurs de gauche envers elle."
N’est-ce pas un peu gros de faire reposer toute la responsabilité d’un échec sur une seule personne ? >>
Non, il ne s’agit pas de ça. Je cherche juste à comprendre comment le
PS en est arrivé à choisir Ségolène Royal comme candidate. Le PS
pouvait vraiment gagner l’élection, mais pas avec cette candidate. Avec
elle, le PS n’est plus du tout en phase avec sa base sociale. Il change
de nature : au lieu de représenter les ouvriers, il représente les
profs de fac. À partir de là, le PS devient beaucoup plus vulnérable
aux thèses libérales de la droite. On aurait dû déjà se rendre compte
de ce décalage lors du référendum européen, où les électeurs de gauche
ont choisi le « non ».
Comment expliquez-vous cette fragilité ? >>
Le PS accorde beaucoup trop d’importance aux sondages, aux médias, à la
« pipolisation » de la vie politique. Les sondages disaient qu’avec
Ségolène Royal, on était sûr de gagner. Alors on l’a suivie. Devant les
médias, elle a joué son côté « brave mère de famille », puis « triste
femme meurtrie », et tout ça a pris le pas sur les préoccupations des
Français.
Vous n’épargnez pas non plus Julien Dray >> J’explique comment l’opération a été pensée par lui, comment il a neutralisé Hollande pour permettre à Royal de monter. Alors qu’elle ne prenait position sur rien, qu’elle contournait tous les débats sur les questions politiques et sociales, elle continuait sa tactique. Julien Dray a beaucoup joué là-dedans, il est un très bon tacticien. Mais ça n’a pas payé.
Comment le PS peut-il gagner de nouveau ? >>
Il faut rassembler les forces de gauche à tout prix. Il faut aussi
arrêter d’être tiède, d’être mou et engager une vraie rupture.
Aujourd’hui, c’est Nicolas Sarkozy qui a le monopole de cette rupture.
Il est temps de se la réapproprier. Il nous faut un vrai projet de
gauche, qui accepte le libre-échange mais qui défende une vraie
intervention publique. Pour les municipales de 2008, je demande des
listes de gauche qui incluent les associations, les clubs, les
syndicats... Il faut nous rapprocher de la gauche hors parti, qui est
une vraie force vive. •
Le PS pouvait vraiment gagner l’élection présidentielle, mais pas avec cette candidate.
Avec Ségolène Royal, le PS n’est plus du tout en phase avec sa base sociale.