Sa mécanique paraissait bien huilée sur le plan médiatique: on devait être asphyxié par son activisme. C'est lui qui se perd dans son agitation. Ses équipes semblaient prêtes et bien organisées. Mais une équipe de campagne, fut elle élargie par l'ouverture, ne fait pas un gouvernement du pays. L'obéissance, le silence dans les rangs et la couture sur le doigt du pantalon qui a prévalu avant les élections ne peuvent durer et faire office d'exercice du pouvoir. A moins que le pouvoir change de nature et c'est peut être ce que voudrait le président. Mais notre peuple est plus attaché qu'il ne le croit à la démocratie et à l'équilibre des pouvoirs, dont Sarkozy voudrait s'exonérer.
Sa rhétorique paraissait bien rodée d'autant que la candidate socialiste ne s'est guère hasardée à la contester et à mettre en cause la totale incohérence des propositions. D'un coté l'ultra libéralisme, l'atlantisme, l'orthodoxie financière et de l'autre le volontarisme, la promesse de la croissance, la protection de nos industries, une autre Europe et le soutien au pouvoir d'achat des salariés... Comme d'habitude, la droite au moment des scrutins retrouve quelques accents gaullistes, voir "sociaux" et, une fois aux affaires, fait une politique de droite.
Aujourd'hui, l'incohérence sarkozienne commence à apparaître au
grand jour. Elle est accentuée par la dispersion complète des annonces
qui ne rassurent personne. Elles ne répondent ni aux enjeux économiques
de l'heure, ni à l'urgence sociale. Pire le seul fil conducteur de
l'action présidentielle et gouvernementale est l'organisation de reculs
sociaux visant en apparence des segments limités de la population. Mais
au bout du compte ils constituent une menace pour tout le monde
salarié.
Le pays va mal (recul des exportations comme de la part
des richesses produites versées aux salariés, faiblesse de la
croissance réduction de postes dans la fonction publique, augmentation
des prix et des coûts de logements qui plombent le pouvoir d'achat,
poursuite des problèmes d'insécurité, détérioration de notre système de
santé, etc..) et le président s'agite.
Le temps est venu d'une opposition frontale capable de faire reculer le pouvoir et d'empêcher la mise en oeuvre des décisions dangereuses qu'il nous prépare (franchise de la sécu, remise en cause des retraites en commençant par les régimes spéciaux, fragilisation du statut de la fonction publique et des contrats de travail, présidentialisation du régime, traité européen sans référendum, etc..). Ne soyons pas fatalistes. Nous pouvons le faire reculer en faisant entendre sans complexe la voix de la gauche. L'opposition doit favoriser ce qui fédère à ce qui divise et travailler à une alternative qui propose des réponses cohérentes et sérieuses aux grands problèmes du pays et fixe de nouvelles perspectives d'avenir fondée sur nos valeurs. L'opposition doit être sans concessions, ne peut se limiter à des critiques de forme. Elle doit chercher à créer une mobilisation populaire sans négliger un travail de fond permettant d'actualiser les fondamentaux de la gauche. Dans "Au revoir Royal", je trace quelques voies de cette reconquête, car depuis la défaite de la gauche, je mesurais toutes les ambiguïtés de cette victoire de Nicolas Sarkozy, à contre courant des attentes réelles des français. Et en dépit des sondages sur l'Etat de grâce, ses faiblesses demeuraient. Elles ne suffiront pas à le disqualifier si la gauche est anesthésiée. Mais tout dépend de nous désormais.