Dans cet article du 2 novembre, l'humanité fait écho de la campagne de Gauche Avenir pour un référendum.
Europe. L’association Gauche Avenir invite tous les parlementaires de gauche à voter contre la révision constitutionnelle.
La position vers laquelle chemine la direction du PS vis-à-vis du traité de Lisbonne jette le trouble chez les militants socialistes qui avaient voté « non » à la constitution Giscard, comme 55 % des Français. Au cours de la campagne de l’élection présidentielle, Ségolène Royal, exprimant en la matière l’opinion du parti, avait déclaré qu’il fallait respecter le vote du 29 mai 2005 et que tout autre projet susceptible de remplacer le traité constitutionnel ne pourrait être soumis à ratification que par un nouveau référendum. Le revirement de François Hollande abandonnant la revendication du référendum puis souhaitant « laisser passer » le traité dans la forme voulue par Nicolas Sarkozy - la voie parlementaire - a été perçu comme un reniement et un déni de démocratie par les militants socialistes qui participaient mardi soir à Paris à une réunion de l’association Gauche avenir, cet espace de dialogue et de réflexion entre militants de gauche, socialistes et communistes principalement. « La parole politique est ridiculisée », s’emportait un militant PS.
Plusieurs députés européens - les socialistes Marie-Noëlle Lienemann, Françoise Castex, Anne Ferreira (membres du groupe PSE) et le communiste Francis Wurtz, président du groupe de la gauche unitaire européenne (GUE-GVN) - ont démonté la manipulation en cours visant à faire passer, en contournant le peuple, un texte qui est « un copié-collé de la constitution », selon Marie-Noëlle Lienemann. L’astuce consiste à ne plus l’appeler constitution, à supprimer les symboles de l’Union (le drapeau et l’Hymne à la joie) et à disperser toutes les dispositions de la constitution sous forme d’amendements et de protocoles additionnels aux traités antérieurs.
Les forces de gauche peuvent-elles encore obliger Nicolas Sarkozy à convoquer un référendum, éventualité qu’il rejette résolument au motif - avouait-il au soir du sommet de Lisbonne - qu’il s’est engagé auprès des dirigeants de l’UE que les Français ne seraient pas consultés ? Dès lors, Marie-Noëlle Lienemann et l’ancien ministre Paul Quilès en ont fortement défendu la proposition, la gauche tout entière doit voter non à la révision constitutionnelle préalable à l’adoption proprement dite du traité. Cette révision de la Constitution française nécessaire avant la ratification requiert une majorité des trois cinquièmes au Congrès (réunion commune des deux Assemblées). Si la gauche vote contre la révision, il suffira de l’appoint de quelques élus hors de ses rangs pour « bloquer le processus ». Nicolas Sarkozy n’aurait d’autre choix qu’un référendum pour faire ratifier le traité. L’abstention ou le refus de vote, que prônent actuellement des responsables socialistes - Laurent Fabius et Henri Emmanuelli -pour protester contre l’absence de référendum, revient à faire gagner Sarkozy, déplore un militant.
Mais pour Francis Wurtz, on ne mettra pas en échec Nicolas Sarkozy sans un investissement exceptionnel pour démasquer la manipulation. « La gauche a perdu beaucoup de temps pour engager la contre-offensive. » Depuis juin, avec la mise en place de la conférence, le contenu est connu. Le 8 juillet, le Parti communiste tenait une conférence de presse présidée par Marie-George Buffet. « La priorité absolue, c’est d’informer sur le contenu », sur la notion « d’économie de marché ouverte où la concurrence est libre » qui va à l’encontre des services publics, sur le rôle de la BCE qui voit son pouvoir inchangé en dépit des rodomontades de Nicolas Sarkozy, sur les pouvoirs exorbitants de la Commission, sur la dérive militariste et atlantiste de l’UE. Francis Wurtz relève « l’obligation pour la Défense d’être compatible avec l’OTAN, c’est-à-dire la stratégie américaine, et la possibilité de confier des missions militaires à un groupe pour aller défendre les intérêts et les valeurs de l’Union ». Toutes les questions qui furent au centre du débat du référendum de 2005 sont à nouveau sur la table. La crise de confiance que traverse l’Europe peut conduire vers les impasses dangereuses du populisme. « Cette crise s’aggravera si les 27 veulent passer en force », pronostique Francis Wurtz.
Si comme en 2005 l’avenir de l’Europe fait l’objet d’un véritable débat populaire, il sera plus difficile à Nicolas Sarkozy et aux dirigeants qui semblent lui emboîter le pas de s’opposer à un référendum. « On nous parle de démocratie participative », ironise Françoise Castex à propos du thème préféré de la campagne de Ségolène Royal, « et on - justifierait le refus de
consulter sur la politique européenne… » Gauche Avenir veut placer les élus devant leurs responsabilités. Une lettre a été envoyée au président de la République et tous les candidats à la présidentielle qui avaient annoncé un référendum sur un nouveau traité seront interpellés sur leur attitude actuelle. « Il faut solenniser le référendum, soutenait un participant, car ce que le peuple a fait, seul le peuple peut le défaire. L’en priver, c’est commettre un déni de démocratie. » À bon entendeur…
Jean-Paul Piérot