Article publié dans le quotidien L'Humanité, le 4 Mars 2008
Une ville à la loupe
Face à Marine Le Pen, qui pourrait prendre la ville, la gauche a surmonté ses divisions en envoyant Marie-Noëlle Lienemann pour seconder le maire sortant.
Hénin-Beaumont va-t-elle tomber entre les mains du Front national ? Alors que le parti d'extrême droite a subi un revers historique dans l'ensemble du pays lors des derniers scrutins, la petite ville de l'ancien bassin minier pourrait devenir le symbole de sa tentative de reconquête électorale. “ Nos chances n'ont jamais été aussi grandes ”, affirme Bruno Bilde, directeur de campagne du tandem Steeve Briois-Marine Le Pen et quinzième sur la liste “Hénin-Beaumont pour vous ”. Pour les frontistes, plusieurs éléments joueraient en leur faveur : les très bons résultats de Marine Le Pen aux législatives, dans un contexte national catastrophique, la gestion et la personnalité contestées du maire sortant, l'éclatement de la gauche sur trois listes et la forte probabilité d'une triangulaire le 16 mars.
Sur le matériel de campagne, la célèbre flamme tricolore a disparu au profit d'un coeur. Et le programme officiel n'a pas grand-chose à voir avec les discours traditionnels du Front national. “ Notre parti est de bon sens. On retrouve sa philosophie dans nos propositions pour Hénin-Beaumont. Mais, en tant que républicains, nous ne pouvons pas aller contre la loi ”, justifie Marine Le Pen. Au placard les relents racistes, place à l'assainissement des finances de la commune, à la revitalisation du centre-ville, à la construction de logements sociaux, à l'aménagement d'un terril en parc familial ou encore à la modernisation d'un minigolf. N'ayant nullement abandonné les thématiques qui lui ont donné son assise électorale, le FN et son dirigeant local, Steeve Briois, labourent le terrain héninois depuis de nombreuses années. Conseiller municipal depuis 1995, ce petit-fils de mineur entretient une véritable relation de proximité avec les habitants. Loin de l'image du patriarche milliardaire incarnée par le président du Front national.
À gauche, après des années de luttes intestines au sein des différents partis, l'union a fini par être réalisée derrière le maire, Gérard Dalongeville (divers gauche), grâce en particulier à l'arrivée de la députée européenne socialiste Marie-Noëlle Lienemann sur la liste. “ Il était important que les habitants sortent du climat de rumeurs et de tensions dans lequel le FN les avait installés. Après toutes les querelles locales, ce n'est pas étonnant que les gens se disent : "Tous pourris !" Maintenant que la gauche est rassemblée, nous allons pouvoir consacrer notre énergie à mieux répondre sur le terrain et à franchir une nouvelle étape dans la démocratie locale ”, explique le numéro deux de la liste “ Hénin-Beaumont pour tous ”, soutenu par le PS, le MJS, le PCF, le MRC et le PRG.
Aux critiques souvent justifiées du bilan de la précédente mandature, les acteurs du nouveau contrat municipal répondent sans ambages : “ Le FN capte une partie des couches populaires parce que la gauche n'est plus en symbiose avec eux. Ici, on ne fait plus de politique. Mais pour moi, il est hors de question de ne faire que de la gestion municipale. Il faut une gauche qui gère, tout en se mobilisant dans les luttes ! ” tranche Marie-Noëlle Lienemann.
Alors que le Parti communiste avait pris des distances avec Gérard Dalongeville, il a finalement rejoint la liste conduite par le maire sortant. “ Nous avons la volonté de battre le FN et j'ai la conviction qu'il fallait une liste avec les partis de gauche et un discours de gauche pour cela. Nous serons un allié exigeant et lucide, pas un vassal ”, prévient David Noël, responsable de la section du PCF et l'un des deux candidats communistes sur la liste. Le maire, de son côté, affirme que la page est tournée mais ne rougit pas de son bilan : huit cents logements construits, l'accueil d'un Ikéa qui a permis de créer des emplois, la mise en place de la première crèche... et promet “ un gros coup ” en termes d'implantations d'entreprises.
Outre les listes de l'UMP et de la LCR, qui devraient jouer un rôle mineur dans la bataille, celle de l'Alliance républicaine vient semer le trouble. Menée par Daniel Duquenne, exclu du Parti socialiste, cette alliance ratisse large : le Modem, les Verts, de nombreux anciens socialistes et même deux personnes classées à droite, mais qui “ ne partagent pas le projet de l'UMP ”, selon la tête de liste, avant tout motivée par une aversion viscérale pour son ancien camarade, Gérard Dalongeville. “ C'est un antirépublicain qui bâillonne l'opposition ”, accuse celui qui se revendique toujours socialiste. C'est surtout l'ambiguïté sur son attitude au soir du premier tour qui interroge, ayant déclaré qu'il ne choisirait pas “ entre la peste et le choléra ”, et se maintiendrait quoi qu'il arrive. “ C'est une petite phrase de campagne. J'aurai un comportement républicain et je ferai tout pour battre le FN ”, assure-t-il. Dans ce cas, se maintenir serait-il vraiment responsable ?