Bien des commentateurs mettent en évidence que la logique du Non irlandais n’est pas comparable à celle du Non français. Pour faire court, il serait plus souverainiste et moins social. Prenons garde à ce jugement à l’emporte pièce.
Il y a pourtant un point commun à tous les « NON », français, néerlandais et Irlandais : le vote massif des quartiers populaires, du monde ouvrier et des employés en leur faveur !
La raison est simple : ces citoyens n’approuvent pas la politique et l’attitude de l’UE qui ne répond pas à leurs attentes, qui justifie tous les reculs, l’accroissement des inégalités et ne défend pas leurs intérêts face à ceux de la finance. Ils se sentent oubliés, méprisés, et parfois sacrifiés ! Et ont-ils vraiment tord ?
Dans la même quinzaine, l’UE a décidé d’établir une directive sur le temps de travail qui permettra de travailler 60 H par semaine, une autre sur le retour des immigrés arrivés illégalement dans l’UE qui permettrait de les maintenir 6 mois en détention (et ce dans des conditions la plupart du temps inhumaine !), sans compter l’accord des ministres visant à réduire les efforts et les objectifs de limitation du CO2 des voitures ! Comment s’étonner que cette Europe là, incapable de prendre des initiatives face à la crise financière, à la flambée du pétrole et à la baisse du pouvoir d’achat suscite de la défiance et des désapprobations !
Ces votes sont aussi une sanction de l’absence de projet et de vision
d’avenir autour de progrès partagés. On peut dire que ce « Non » est
un vote de classe. Les socialistes ne peuvent fermer les yeux sur cette réalité. Car c’est
bien le décrochage du monde du travail, des couches populaires qui est
la raison de l’affaiblissement de la social-démocratie en Europe tant
sur le terrain électoral qu’idéologique.
La concurrence dans ces milieux s’exprime tout particulièrement avec
l’extrême droite et les courants nationalistes. Car si face au libre
échangisme, dogme quasiment intangible de la construction européenne,
si face aux dégâts du capitalisme financier transnational et de la
concurrence libre et non faussées, les socialistes ne sont pas capables
de proposer une alternative, il est à craindre que le repli
nationaliste apparaitra comme une issue. Issue illusoire qui s’avèrera
une impasse dangereuse !
Si les institutions européennes tentent de s’affranchir du vote
irlandais, ils lanceront un message désastreux à tous les peuples :
votre avis ne compte pas, on fait sans vous, on s’assoit sur vos choix !
Et certains responsables politiques socialistes qui en France
découvrent seulement aujourd’hui que Nicolas Sarkozy est responsable,
que le mini traité est « décevant » et tout le toutim, n’ont guère de
crédibilité alors qu’ils ont refusé de se mobiliser pour obtenir
réellement un référendum et qui appelaient à voter OUI, il y a à peine
quelque mois. Ils (et elles) portent une lourde responsabilité face aux
français et singulièrement face au peuple de gauche, ils ont porté un
mauvais coup à l’indispensable reconquête des couches populaires…
Alors, je lance un message à ceux qui ont défendu le Non de gauche : n’ayons pas le NON honteux ! Soyons capables de proposer une autre Europe et d’abord une autre voie pour la relance de la construction européenne. Lançons quelques idées :
- décider l’arrêt des politiques de dérégulation, en particulier dans les services publics
- organiser une convergence progressive vers le haut de certains standards sociaux de base.
- développer des politiques industrielles offensives
- revoir la politique monétaire au service de la croissance et de l’exportation
- mettre en place une stratégie anti-délocalisations intra et extra européennes.
- relancer la préférence communautaire
- imposer des taxations sociales et environnementales dans les échanges mondiaux.
- augmenter le budget de l’UE au service de grands travaux, de la
recherche, de politiques nouvelles, par un impôt européen par exemple
sur les mouvements de capitaux….