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CONSEIL NATIONAL DU PARTI SOCIALISTE 2 JUILLET 2008
Discours de Marie-Noëlle Lienemann,
Chers amis, chers camarades,
Il y a une semaine, les commentateurs n’avaient à la bouche qu’une seule formule : le Parti socialiste n’a pas d’idées.
Depuis quelques jours, les mêmes, parfois encouragés par certains de nos camarades, proclament sans difficulté : ils pensent tous la même chose.
Nous ne partageons pas ces analyses. Et il faut faire très attention à ces brouillages, à ces confusions. Voilà la première exigence de ce congrès : il est temps de sortir de ces temps de confusion qui nous ont tant affaibli.
Alors, nous le disons tout net : il faut changer. Et la contribution que nous avons présentée avec Jean Mallot, Paul Quilès, Anne Ferreira, Emmanuel Maurel et bien d’autres, se veut absolument claire dans ses choix. D’abord des caps stratégiques, ensuite des propositions innovantes pour porter une transformation radicale, profonde de la société.
Nous pensons qu’il y a urgence à ce que la gauche reprenne l’offensive contre la droite sur le terrain idéologique, et d’abord sur celui des valeurs car nos valeurs ont une grande modernité. Nous ne faisons pas partie de cette gauche qui doute d’elle-même, qui rase les murs, qui choisit le vocabulaire de la droite pour paraître moderne. La modernité n’est pas toujours là où l’on croit. La réalité du monde aujourd’hui, ce sont des crises profondes : financière, immobilière, alimentaire, énergétique. Ce n’est pas qu’une succession de crises, c’est un moment particulier de l’histoire, une crise profonde du capitalisme financier et transnational, une crise profonde de la mondialisation libérale.
Nous sommes en train de connaître une inversion du cycle : c’est le
début de la fin de l’ère du tout-libéral, Nous sommes en train de
changer de cycle. Et, dans ce moment historique, la gauche et le camp
progressiste sont amenés à faire des choix. Soit nous continuons sur la
dominante de ce que la gauche européenne a porté, c’est-à-dire un
accompagnement du système, soit nous sommes capables de donner du
contenu à l’alternative. Si l’alternative ne vient pas de nous, les
nationalistes de tous poils, les idéologies fascisantes, les fanatiques
religieux auront un boulevard devant eux.
Alors nous proposons des points d’appui pour construire cette
alternative. La modernité aujourd’hui, c’est de dire : il faut
réinventer l’intervention publique, pas la régulation seulement,
l’intervention publique. Regardez ce qui se passe autour de nous, les
grands États, les grands blocs, que font-ils ? Des fonds souverains,
ils ont compris que le cœur du dispositif était à prendre du capital
dans les entreprises pour décider. Et nous, la gauche française,
héritière de la République, donc partisans du rôle de l’État dans
l’économie, et nous la gauche français héritière de Jean Jaurès, des
nationalisations de 81, nous aurions honte de dire qu’à ce moment
historique le temps est venu de réinventer du capital public, de créer
des fonds souverains français, de taxer Total dans ses profits en
capital, c’est-à-dire en prenant des actions car cela nous permet
d’avoir du poids sur les décisions économiques.
La modernité, c’est de défendre les salaires, le SMIC, c’est de ne pas avoir honte d’assumer le SMIC à 1500 €. Sur toute la planète, du fin fond de la Chine, comme aux États-Unis, que demandent-ils ? Ils demandent des augmentations de salaires ! Parce que le cycle qui doit s’achever, c’est celui où le capital est mieux rémunéré que le travail ! Si nous avons une responsabilité, c’est qu’au moment où cette crise apparaît nous inversions de nouveau la donne et que ce soit enfin le monde du travail qui soit justement valorisé. Ce n’est pas la valeur travail que nous mettons en avant, c’est la valorisation du travail et des travailleurs. Voilà le deuxième point d’appui, les salaires.
La modernité, c’est aussi la réduction du temps de travail. Pourquoi
être honteux des 35 heures ? Quand, dans l’histoire de l’humanité, un
progrès humain a-t-il été contre performant par rapport au progrès
économique ? Jamais.
Comme d’habitude, la droite, dans tous les moments de grandes avancées,
nous culpabilise en faisant porter sur les 35 heures ou sur autre chose
la responsabilité des turpitudes de son système. Il faut donc assumer
avec force qu’il n’y aura pas de développement économique en France
sans de nouveaux progrès sociaux : réduction du temps de travail,
redistribution.
Le troisième point d’appui, c’est aussi la question centrale de l’écologie. Ce qui me paraît central, c’est que si on veut prendre la mesure du changement climatique et de l’enjeu écologique, cela remet profondément en cause le libre échange, cela obligera à relocaliser un certain nombre de nos activités économiques, cela obligera à contester radicalement le principe du libre échange généralisé.
Et de ce point de vue-là il est fondamental de changer, car si l'Union européenne, si les sociaux-démocrates européens restent sur le même rail du tout libre-échange, du tout concurrence, ils sont à rebours de l’histoire et à rebours de leur base sociale. Alors nous devons inventer de nouveaux échanges mondiaux : pas la fermeture des frontières mais des échanges négociés entre grands blocs. Nous devons inventer des nouvelles protections équitables. Ceux qui prétendent que l’instauration de protections sont défavorables au Tiers Monde se trompent. Mais quel avantage pour le tiers monde de se système si inégalitaire ?
Voilà quelques points d’appui pour que la gauche soit à la hauteur de sa tâche historique. Mais, vous le savez bien, un de nos grands enjeux, c’est de reconquérir la victoire, de répondre à l’aspiration des couches populaires qui veulent à la fois une gauche de combat, une gauche proche d’elle, une gauche qui porte l’espoir, mais aussi une gauche capable de prendre le pouvoir pour transformer la société, une gauche qui s’oppose à Sarkozy, mais qui propose. Et c’est là que se pose la question centrale des alliances. Jamais dans notre histoire nous n’avons rénové notre parti et la gauche sans une nouvelle étape de l’unité. Jamais dans notre histoire nous n’avons pu gagner et aller au pouvoir sans une nouvelle étape de l’unité.
Le temps est venu d’abord de clarifier : pas d’alliance au centre ! Deuxièmement, de ne plus se satisfaire de simples alliances électorales de dernière heure avec nos partenaires qui ne portent pas la dynamique unitaire. Le temps est venu d’une nouvelle étape avec un grand parti qui fédère tous les partis de la gauche existants et qui entraîne tous ces milliers d’hommes et de femmes qui attendent un nouveau paysage de la gauche. Et donc le cap stratégique que nous voulons au congrès de Reims, c’est un Parti socialiste engagé pour l’unité de la gauche. Nous n’allons pas devenir, par l’opération du saint esprit, le parti de toute la gauche. Nous avons besoin de nous unir avec les autres, de nous dépasser nous-mêmes. Nous nous grandirons, nous répondrons aux défis de l’histoire. C’est ce qu’attendent de nous nos concitoyens, et singulièrement la jeunesse. Oui, le Parti socialiste peut relever les défis du socialisme du 21e siècle s’il sait changer !