Instaurer une fiscalité écologique est à l’évidence indispensable dans notre pays. Mais on ne saurait accepter le coup par coup proposé par le gouvernement qui lance, chaque jour, un nouveau bonus malus comme un ballon d’essai, abandonné ensuite éventuellement sous la pression des mouvements d’opinion ou du poids de tel ou tel lobby. Souvent la mesure peut sembler « moralement justifiée », mais il faut y regarder de plus près. D’abord le foisonnement des annonces, la non hiérarchisation des enjeux, le coté ponctuel et dispersé du choix des produits taxés montrent l’absence d’une stratégie cohérente. Elle est pourtant indispensable pour être juste et acceptée.
Il convient pour la gauche, d’avoir les idées au clair pour promouvoir sa vision de la taxation écologique et pour pouvoir tout à la fois s’opposer avec efficacité et proposer des voies d’avenir. Partons d’abord de quelques principes :
- La fiscalité écologique ne saurait servir de prétexte à accroitre la part de la taxation indirecte au détriment de la fiscalité directe redistributive. Il faut veiller à la progressivité générale des impôts et donc étudier l’impact ses nouvelles taxes écologiques sur la fiscalité indirecte et la baisser alors sur d’autres créneaux ( TVA etc..). De ce point de vue la logique bonus malus peut ainsi se tenir sir on vérifie bien qu’in fine les bonus sont supérieurs en masse global aux malus.
- Ne laissons pas s’installer l’idée que seule l’imposition permet d’atteindre des objectifs écologiques et de modifier les pratiques et consommations. Il est d’autres méthodes : l’édiction de normes rigoureuses et obligatoires pour tous, des aides publiques pour favoriser les économies d’énergie ou des services et produits moins polluants. Les normes ont aussi l’avantage de permettre des péréquations financières entre les hauts et bas de gamme et de promouvoir de nouvelle filière de production.
- La fiscalité écologique est légitime si elle permet d’orienter la consommation vers des produits et comportements vertueux mais il faut être sûr de plusieurs choses :
· Que ceux qui paient, aient réellement le choix pour modifier leurs achats ou leurs pratiques. Prenons un exemple : si on augmente la taxe d’enlèvement des ordures ménagères pour la mise en décharge, ce sont des habitants qui paient, ils n’ont aucune alternative et ce sont les élus qui n’ont pas investis pour des procédés de tri et de traitement. Certes la hausse du prix peut faire pression sur la politique locale. Ce n’est pas certain. Mieux vaut pénaliser directement la collectivité locale défaillante. L’augmentation du prix du combustible automobile ne modifie pas le comportement de ceux qui n’ont pas de transports en commun dans leur quartier… Il faut donc bien regarder de près ceux qu’on prélève et qui doit payer !
· La fiscalité ne doit pas augmenter les prix pour les plus modestes dont la consommation est déjà bien bridée et doit plutôt faire peser la charge sur les plus riches. Il est par exemple normal de sur taxer les 4X4 et de moduler la taxation pour qu’elle ne surenchérisse pas les petits véhicules qui plus est moins polluant. De ce point de vue le bonus malus peut être un bon système si l’achat du produit réellement moins polluant devient abordable pour les couches populaires et moins couteux que celui qui ne l’est pas. Ainsi le niveau des bonus et des malus doit être important.
- En l’absence de taxe carbone à nos frontières, il faut prendre garde de mettre des bonus écologiques à des produits importés qui s’avéreraient moins consommateurs d’énergie finale mais sans tenir compte du bilan carbone global. Car il est essentiel de progressivement imposer la mise en place du bilan carbone sur toute la chaine du début à la fin du produit.
Je crois que plutôt que d’octroyer des bonus à ces produits importés de loin, il vaut mieux chaque fois pousser à la consommation locale. Il n’est pas absurde d’instaurer des malus s sur la base du bilan carbone global pour certains produits polluants et non indispensables. De plus il serait intelligent d’utiliser ces sommes pour développer des éco industries françaises ou européennes.
- Enfin, les pollutions sont nombreuses et
variées, aussi convient-il de bien hiérarchiser les pollutions ou de prendre en
compte l’ensemble des sujets les plus cruciaux
(effet de serre, eau, déchet).
Nous devons regarder les propositions du gouvernement à l’aune de ces critères.
En
tout cas, une étape significative de la
fiscalité écologique doit se présenter sous forme d’un plan global, d’un paquet
cohérent capable de répondre à tous ces principes, équilibré entre l’exigence
écologique et la justice sociale, entre le court et moyen terme. Il doit être
débattu largement. Penser faire passer ce genre de décision par ordonnance est
inacceptable. D’autant que la compréhension des choix est déjà une façon de lutter contre la pollution
et de promouvoir de bonnes pratiques, car le citoyen doit être informé lucide
et acteur !