Interview publiée sur le site du JDD.fr le Samedi 27 Septembre 2008
Propos recueillis par Nicolas MOSCOVICI
"Un monde d'avance", tel est l'intitulé de la motion défendue au PS par l'aile gauche du parti, incarnée par Benoît Hamon et les siens. Parmi les signataires, figure Marie-Noëlle Lienemann, ravie du travail accompli. "On peut se fixer comme objectif d'être troisièmes", explique-t-elle en référence au vote du 6 novembre, quand les militants auront à départager les six motions en compétition.
Qu'avez-vous retenu du conseil national du PS qui a fait, mardi, la synthèse des motions qui seront présentées aux militants le 6 novembre?
J'ai d'abord été très contente que l'ensemble des gauches au PS aient pu s'unir et se fédérer autour d'un projet. Nous sommes en outre sortis des postures de témoignages et nous présentons un candidat de qualité en la personne de Benoît Hamon.
Enfin, nous avons réussi à nous entendre avec des gens un peu différents de nous dans le parti, comme Pierre Larrouturou, mais extrêmement sensibles, comme nous le sommes, à la question sociale. En un mot, nous avons su créer une dynamique pour le parti, ce qui, à mon sens, a manqué dans les autres présentations. Bertrand (Delanoë), par exemple, a entièrement axé son discours sur des considérations internes au PS. Il a voulu se poser en rassembleur, avec en creux, l'idée: "N'ayez pas peur de mon autoritarisme"...
On a toutefois relevé d'importantes convergences entre le discours de Benoît Hamon et celui de Martine Aubry...
Non. Sur le fond, Martine (Aubry) ne prend position sur rien. Disons qu'elle a posé de bonnes questions, mais elle n'a pas apporté de réponses. Or, nous ne sommes plus dans les contributions, mais dans les motions. Il est temps d'apporter les réponses aux grands sujets politiques qui préoccupent les militants et les Français.
Quels sont alors les grands axes de la motion que vous défendez?
Benoît Hamon s'est montré très clair sur plusieurs points. Il a prôné l'intervention publique dans l'économie et non une simple régulation. Il a rappelé la nécessité d'un protectionnisme pour protéger nos intérêts, c'est-à-dire une distanciation nette avec les positions de l'OMC et de la social-démocratie européenne, qui sont pour nous bien trop libre-échangistes. Même s'il faut évidemment que nous travaillions tous ensemble, je n'ai pas noté de telles prises de position dans les propos de Martine Aubry. Je n'ai pas ressenti un cap stratégique à suivre...
"L'accélération de la crise économique va donner raison à nos idées"
Et qu'avez-vous retenu de la motion défendue par Ségolène Royal, qui avait envoyé trois de ses co-listiers (Najat Vallaud-Belkacem, Vincent Feltesse et François Rebsamen) à la tribune?
Rien. Royal croit être originale en donnant la voix à la base, mais il y a un temps pour tout. Je ne dénigre pas son choix, mais le résultat est que l'on a rien compris aux orientations de la motion. Je prends l'exemple de Rebsamen qui a fait des contorsions pour nous expliquer qu'on pouvait être à la fois pour l'union de la gauche et pour l'union avec le Modem. Nous sommes en total désaccord avec ces contradictions.
Quelles chances donnez-vous à votre motion lors du vote des militants?
On peut se fixer comme objectif d'être troisièmes (les motions défendues par Bertrand Delanoë, Martine Aubry et Ségolène Royal partent pourtant favorites pour les trois premières places, ndlr). Je pense que l'accélération de la crise économique va donner raison à nos idées. Delanoë ou Aubry disent que l'Etat doit réguler l'économie, nous, nous disons qu'il faut qu'il intervienne directement.
En pourcentages, quel seuil pensez-vous atteindre?
C'est impossible à dire. Il est en effet impossible à l'heure actuelle de prévoir s'il y aura un effet d'hyper-mobilisation de la part des militants ou au contraire une désaffection due à une lassitude vis-à-vis de nous tous.
Face à des poids lourds du PS, vous présentez Benoît Hamon comme chef de file. Incarne-t-il selon vous le futur du parti?
Absolument et j'en suis très contente. Benoît a longtemps appartenu au MJS, dont il a été président. Il a donc accumulé beaucoup d'expérience politique qui s'est notamment enrichie au moment de la campagne interne au parti pour le "non" à la Constitution européenne de 2005. Au Parlement européen, il a d'ailleurs pu acquérir une vision qui dépasse le cadre franco-français, ainsi qu'une densité dans la réflexion. Et puis, il a fait un choix courageux en démissionnant en 2007 du bureau national pour montrer son opposition à la décision prise par le PS d'approuver le traité simplifié de Nicolas Sarkozy.