Discours de Marie-Noëlle Lienemann au congrès de Reims
La France a besoin de la gauche, elle a besoin d’espoir, de changement et de justice sociale. Elle a besoin d’une gauche offensive, qui défende sans complexe ses valeurs, offensive pour s’opposer, offensive pour proposer, une gauche unie et rassembler. Le talisman de la victoire retrouvée, le talisman du monde du travail qui reprend espoir et qui se met en marche pour changer son sort, c’est l’unité des forces de la gauche, de toutes les forces de la gauche, sans la moindre confusion.
Car c’est cette unité n’a pas simplement une vocation électorale, elle a une vocation sociologique comme le disait François Mitterrand, la gauche, ce sont les forces du travail, les forces de la jeunesse, les forces de la création et ce sont les forces qui doivent être motrices du progrès.
Mais c’est aussi un projet, une alternative et nous le voyons bien, la confusion est notre pire ennemi.
La confusion sur l’objectif, la confusion sur les moyens. C’est pourquoi toute alliance avec le MoDem où je ne sais quel parti qui se revendique du centre, dont les propositions sont à l’opposé des attentes de nos concitoyens, notamment sur le terrain social, est impossible.
La dynamique ne viendra que d’une alternative portée par une force politique, la gauche rassemblée.
Ce devrait être le temps de la gauche, parce que la crise est là, qu’elle est dure, que le système et nous l’avions dit, commence à être à bout de souffle. Ce grand cycle libéral qui voulait tout emporter, en face de nous est en crise profonde.
Et pourtant rien n’est joué. D’abord parce que les crises nous le disent, les peurs, la misère, l’incertitude sur l’avenir ne sont pas toujours bonnes conseillères. Elles entretiennent parfois les pires réflexes, les pires tendances et la droite et l’extrême droite savent surfer sur ces moments-là.
C’est pourquoi nous devons, de toute urgence, porter une alternative politique et de projet de société. Redonner sens au beau mot de socialisme, il n’y a pas de fin de l’histoire, le capitalisme financier transnational n’est pas notre horizon ad vitam aeternam.
Si nous ne présentons pas une autre vision du monde, toutes les critiques techniques sur telle ou telle proposition de la droite ne percuteront pas dans l’opinion, ne convaincront pas, parce que l’idée même qu’on peut changer l’ordre des choses sera perdue dans les consciences.
Voilà ce qui se joue aujourd’hui pour nous. Il ne s’agit pas de chose abstraite, il faut partir du réel, du tangible. Le réel c’est d’abord la redistribution sociale, le salaire, car depuis 25 ans s’est inversée la tendance des 30 glorieuses : le travail est de moins en moins rémunéré tandis que le capital l’est de plus en plus. Si nous n’inversons pas cela, rien n’est possible.
J’entends bien, chers amis, chers camarades, le discours ambiant disant que la crise sociale va venir en complément, en suite de la crise financière. Oui, mais la réalité, c’est que la crise sociale est le fondement même de la crise actuelle. C’est parce qu’aux Etats-Unis les hommes et les femmes qui travaillent ne pouvaient plus se loger, ne peuvent pas vivre dignement, avoir une Sécurité sociale et une retraite, qu’ils se sont endettés, qu’on les a endettés et qu’on a construit le monde financier sur leur faiblesse et leur endettement.
La cause de la crise est sociale. La redistribution des richesses est le préalable à toute sortie de crise, chez nous, en Europe et dans le monde. La question salariale est d’autant plus essentielle qu’elle nous veut transformer la société en individus atomisés, aidés, assistés, en lieu et place de citoyens qui peuvent vivre dignement de leur apport à la vie collective.
C’est une autre vision du monde.
Le deuxième point majeur, c’est évidemment celui du libre échange. Nous ne sommes pas des autarciques, nous ne sommes pas pour théoriser le protectionnisme et le retour des Etats nation sur eux-mêmes, voire même de l'Europe sur elle-même.
Mais si nous ne donnons pas des signes majeurs pour que les échanges dans ce monde soient organisés et non pas simplement vaguement régulés, avec des critères majeurs comme la richesse partagée, les modèles sociaux, les ressources fiscales, tout va y passer. Il y aura toujours un homme à exploiter sur la planète pour faire perdre à celui qui avait lutté, qui avait gagné, les acquis sociaux qu’il avait durement conquis.
C’est pourquoi nous devons, avec ce libre échange, réorganiser les échanges et je veux terminer sur la question, là on parlera tarif douanier, de l'Europe.
J’ai entendu le message de Bertrand, je sais, et vous le savez bien, que depuis très longtemps la gauche française est divisée sur la question européenne. Et que la division n’est pas simplement entre les pros et les anti. Nous ne pourrons pas d’un trait de plume faire que cette histoire et ces doutes se lèvent par je ne sais quelle formule magique.
Ce que nous pouvons faire aujourd’hui, c’est observer que partout en Europe, une large partie des idées que la gauche française défend depuis longtemps, le rôle de l'État, l’importance des services publics, les critères sociaux comme aussi importants que les critères économiques, ces idées-là font leur chemin en Europe. Et je ne veux plus que nous soyons en permanence à nous dire : il faut vous aligner sur les amis socio-démocrates, pas plus que je n’accepterai que nous ayons la prétention de dire qu’à nous seuls nous représentons l'Europe.
Mais pour que l'Europe soit celle qui portera le progrès commun, nous socialistes français nous devons assumer avec force la belle idée du socialisme républicain, des services publics, de l'État qui intervient dans l’économie, de l’aide à l’industrie, de la redistribution des salaires.
Ces idées-là, si nous les mettons en commun, parce qu’elles portent l’universalité du progrès, peuvent être comprises et c’est cela qui doit sortir de notre congrès.
Je forme un vœu : rassemblons-nous pour garder un vrai parti politique de militants, un vrai ancrage à gauche et le peuple de notre pays dira : bravo les socialistes, la gauche est de retour.