Chers camarades, à cette heure avancée, je crois qu’il faut aller droit au but dans ce que nous avons à nous dire. Pour ma part, je n’ai jamais été convaincu sur la ligne dite de l’alignement sur le Manifesto et sur la nécessité de se banaliser dans la social-démocratie.
J’ai toujours pensé que le cycle de la social-démocratie s’achevait et que, au contraire, la tradition du socialisme républicain français, l’idée de l’économie mixte, retrouvait une grande actualité avec la crise de l’ultra libéralisme et que nous aurions dû au contraire avoir une stratégie offensive disant que nous, les socialistes français, héritiers de Jaurès, nous voulions porter ces idées comme mutation de la social-démocratie et non comme subies.
Mais c’est derrière nous. Les faits ont tranché. Allons à l’essentiel d’aujourd’hui. L’essentiel est de constater deux choses : notre faiblesse est largement née de notre incapacité à incarner une alternative politique et la capacité d’alternance.
Alternative politique, espérance d’un nouveau projet, d’un changement assez radical du mode de société. Il faut bien le dire, Daniel Cohn-Bendit, les Verts, l’alliance élargie qu’ils ont constitués a capté une partie de cette espérance, de ce qu’on appelait jadis « changer la vie ». Nouveau mode de développement, prise en compte de l’écologie, un certain rapport éthique qu’incarnait plus ou moins Éva Joly, les luttes de l’altermondialisation, toute une série de luttes qui ont constitué une sorte de vision, ou en tout cas une ambition.
Et puis de l’autre côté les couches populaires, ceux qui sont plongés dans les duretés d’aujourd’hui, devant les délocalisations, devant les problèmes sociaux et économiques, ceux qui sont pris par l’urgence sociale ne sont pas venus voter parce qu’ils avaient le sentiment qu’on ne portait pas en Europe ni en France une véritable alternance. Et de ce point de vue, cela explique pour une part le fait que Jean-Luc Mélenchon et le Front de gauche n’aient pas capté l’ensemble du non de gauche, car dans ce non de gauche une large partie n’est pas venue voter parce qu’ils attentent une gauche d’alternance capable de changer les choses, changer leurs conditions de vie objectives.
Et donc, c’est notre responsabilité de faire que très rapidement la gauche soit capable de renouer avec ces deux choses. Il n’y aura pas d’alternance dans ce pays sans un rassemblement de l’ensemble des forces de gauche, il n’y aura pas d’alternative dans ce pays si nous ne sommes pas capables de créer une nouvelle synthèse entre toutes les traditions de la gauche et du mouvement écologiste. C’est pourquoi, nous le savions avant ces élections qui ont tragiquement développé les dérives que nous connaissons, nous savons depuis longtemps, et en tous les cas je l’ai dit depuis plusieurs mois, nous avons pris des initiatives avec d’autres, nous pensons qu’il faut créer un nouveau front populaire. Je sais bien, les formules ne sont pas importantes en soi, elle voulait quand même dire un certain nombre de choses et si la maison commune correspond à cette dynamique, très bien pour la maison commune. Mais soyons clairs sur ce que nous voulons : derrière l’idée de front populaire, l’histoire nous éclaire : en période de crise, il n’a pas suffi de simplement unifier les partis politiques de la gauche, il a bien fallu aussi y adosser des clubs, des associations, la Ligue des droits de l’homme, toute une série de stratégies qui venaient converger vers la nécessité de se fédérer, de porter des nouveaux progrès sociaux, d’inventer une nouvelle société. Le front populaire, l’idée que je me fais de la maison commune, c’est justement de rassembler les partis de la gauche, mais d’y insérer dans un comité national des autres forces de la société qui sont aujourd’hui souvent très vivantes, je pense à Attac !, à sauvons la recherche, on pourra tous avoir des listes, ils vont irriguer nos propositions. Et souvenons-nous, nous-mêmes, Parti socialiste, quand nous avons réussi à Épinay, nous l’avons fait parce que nous avons agglutiné des clubs et des associations.
Deuxième chose très rapide : il faut partir du fond et du projet. Ce comité doit préparer par des États généraux, sur un travail précis, une charte, un contenu qui définit des points d’appui pour l’identité de la gauche et pour le changement dont nous avons besoin. Cette charte doit aussi être ensuite prolongée par un accord législatif dans lequel on doit respecter chacun de nos partenaires, mais aussi construire un programme d’actions au gouvernement et de transformation de la société.
Et, enfin, oui, les primaires, les primaires entre les adhérents qui se seront impliqués dans ce mouvement pour produire ensemble un nouveau visage, un nouveau contenu. Tous les adhérents des organisations qui auront signé la charte et qui auront établi le programme pourront être consultés pour établir le choix d’un candidat unique de la gauche et de l’écologie.
Voilà le cap que nous devons défendre, on ne doit pas l’imposer à nos partenaires, on doit dialoguer avec eux, mais vous voyez que ce champ culturel amène à une conclusion simple : pour que la gauche retrouve ses couleurs et que notre Parti soit digne de son héritage et de l’avenir, il nous faut une nouvelle synthèse sur le fond politique que ce front populaire permet, il nous faut un rassemblement de la gauche sans ambiguïté au centre parce qu’il tue toutes les capacités de renouveau et de militantisme des milliers d’hommes et de femmes de gauche qui sont aujourd’hui, ni au PS, ni au PC, ni au Front de gauche, ni nulle part et qui attendent une gauche nouvelle.