Interview de MN Lienemann Capital.fr le 14/02/2012
"Il faut prendre des mesures fortes pour lutter contre la spéculation immobilière"
Les gouvernements successifs n’ont pas pris les mesures nécessaires pour limiter la hausse des prix de l’immobilier et des loyers, regrette Marie Noëlle Lienemann, ex ministre socialiste du Logement. Gel des augmentations de loyers à la relocation, ciblage des aides fiscales aux seules habitations à caractère sociale, réforme de la taxe foncière… pour la présidente de la Fédération nationale des coopératives HLM une batterie de mesures peuvent permettre de contenir efficacement les hausses de prix. Et de freiner la spéculation immobilière.
Capital.fr : Le dernier rapport de la Fondation Abbé Pierre est sans appel. Année après année, la situation du mal logement ne cesse de s’aggraver. Un aveu d’échec pour la classe politique de droite comme de gauche ?
Marie Noëlle Lienemann : Depuis dix ans, les gouvernements successifs n’ont pas pris les mesures nécessaires pour limiter la hausse des prix de l’immobilier et des loyers. Seule une refonte en profondeur de notre politique du logement permettra de stopper ces dérives. Il faut interdire toute augmentation de loyers à la relocation dans les grands centres urbains et recentrer les aides (dispositif d’investissement locatif, subventions à la construction…) aux seules habitations à caractères sociales. Pour lutter contre la spéculation, une réforme de la fiscalité est indispensable. Une mesure efficace serait de recalculer la taxe foncière en se basant sur la valeur du bien déclarée chaque année par le propriétaire. Personne ne serait ainsi tenté de surestimer le prix de son appartement et encore moins de revendre au-dessus du prix déclaré… sous peine de risquer un redressement fiscal. Il faut enfin rendre la taxe sur les plus-values et plus contraignante qu’elle ne l’est actuellement. Son périmètre est trop limité.
Capital.fr : Vous êtes donc favorable à une la mise en place d’une taxe sur la plus-value réalisée sur les ventes de résidence principale ?
Marie Noëlle Lienemann : Oui à condition qu’elle soit progressive. Sous un seuil considéré comme acceptable, les plus-values seraient exonérées d’impôt. Et au-delà, la taxe augmenterait en fonction du prix de vente et pourrait même s’approcher d’un taux confiscatoire lorsque la hausse est excessive. Les seuils d’imposition évolueraient aussi en fonction de la durée de détention du bien. Ce nouveau dispositif conduirait les propriétaires à faire preuve de plus de mesure lors de la revente et n’inciterait pas à la rétention inutile du bien.
Capital.fr : Le gouvernement a annoncé vouloir simplifier les règles de l’urbanisme pour faciliter la construction de logements. Une mesure salutaire ?
Marie Noëlle Lienemann : Les règles d’urbanisme, lourdes et complexes, ont besoin d’un sérieux toilettage. Mais cette seule réforme ne suffira pas à résoudre la crise du logement. Il faut avant tout réguler les prix et rendre l’immobilier plus abordable à l’achat comme à la location. Mais aussi changer les priorités dans la production pour répondre aux besoins réels des français. L’essentiel des logements construits, ne sont accessibles que pour le tiers des Français les plus riches. Et contrairement à ce qu’il laisse entendre, le gouvernement ne produit guère plus de HLM aujourd’hui que lorsque la gauche était au pouvoir. Sa participation financière à la construction a baissé. La grande différence, c’est que les collectivités locales ont été contraintes d’accroître leur financement pour pallier au désengagement de l’Etat. Elles ont permis une augmentation des dossiers déposés.
Capital.fr : La pagaille des primaires ne risque-t-elle pas de rendre les socialistes totalement inaudibles ?
Marie Noëlle Lienemann : Laissons de côté les primaires. Le calendrier est clair, toutes les candidatures devront être déposées fin juin. Mais quel que soit le candidat socialiste élu nous ne gagnerons pas seuls. Il est donc urgent de commencer à travailler dès aujourd’hui au rassemblement de toute la gauche afin d’élaborer les bases d’un programme commun sur les thèmes prioritaires : logement, emploi et éducation... Martine Aubry vient de lancer un appel aux différentes forces politiques, verts, communistes afin de réaliser un contrat de rassemblement de la gauche… J’y souscris totalement.
Propos recueillis par Guillaume Chazouillères