un article dans LIBERATION du 19/04/2011 relaie notre appel:
A gauche, la peur d’une union de circonstance
Présidentielle. Les signataires d’un appel invitent l’opposition à réfléchir à un projet commun pour éviter les dégâts collatéraux des primaires.
Par MATHILDE BOUSSION
Et si on réenchantait la gauche par un contrat prénuptial entre futurs partenaires ? Ils ne sont qu’une grosse vingtaine, ils ne pèsent pas grand chose médiatiquement, ils n’ont pas de têtes d’affiche dans leurs rangs, mais ils entendent bien jouer les entremetteurs. Emmenés notamment par Paul Quilès, l’un des artisans de la campagne victorieuse de Mitterrand en 1981, 25 élus, anciens ministres, chercheurs et militants issus de tous les horizons de la gauche viennent de signer un Appel à la mobilisation de la gauche.
Malgré la mise en échec de la droite aux cantonales, la forte abstention et la percée du Front national ont achevé de les convaincre : «L’anti-sarkozysme ne suffira pas à faire gagner la gauche, explique la socialiste Marie-Noëlle Lienemann, signataire de l’appel. Dès maintenant, il faut impulser une dynamique commune et mettre les désaccords sur la table pour éviter les rabibochages au dernier moment, car ce n’est pas crédible.» Sauf qu’entre la préparation de la primaire pour le PS, et celle du congrès de La Rochelle pour Europe Ecologie-les Verts (EELV), les partis ont chacun la tête dans le guidon.
Sur l’état de l’opposition, malgré les efforts du PS en vue de s’unir, le diagnostic est sévère. «Elle n’a pas donné corps à son projet idéologique», estime Marie-Noëlle Lienemann. Dans le programme dévoilé, les signataires de l’appel voient plus un «catalogue» qu’une vision capable de rassembler les foules. Pas étonnant, selon Paul Quilès, qu’aucune ligne de force ne se dégage : «La gauche ne pense pas en terme de stratégie.»
Pour les 25 signataires, sans accord préalable, la campagne présidentielle risque de virer au pugilat à gauche. «Si on ne fait pas ce travail, chacun réglera ses comptes en caricaturant ses concurrents pour gagner des voix au premier tour et s’assurer des postes dans le gouvernement en cas de victoire», assure Marie-Noëlle Lienemann.
Réalistes, ils ne militent pas pour une candidature unique au premier tour. «On voit bien que la tendance va dans le sens d’une triple candidature, mais la question du candidat n’est pas la première à se poser», poursuit la socialiste. Plus urgent selon elle, il s’agit d’«éclairer le sens de la diversité à gauche et de rendre possible l’union». L’espoir est de mettre sur pied un «contrat de rassemblement», moins contraignant qu’un «contrat de gouvernement» mais assez liant, de sorte que «celui qui trahit l’accord est perdant».
Pour mettre sur pied un «socle commun» à l’ensemble de la gauche, les signataires entendent donner l’exemple. En mai, ils organiseront des «assemblées des gauches» ouvertes à tous. Trois rencontres réunissant responsables et militants sont déjà programmées sur le logement, l’éducation et l’énergie. «L’idée est de travailler sur une loi-cadre et des propositions budgétaires» dans des domaines très concrets, explique Etienne Butzbach, membre du Mouvement républicain et citoyen de Jean-Pierre Chevènement.
En privé comme au lendemain du premier tour des cantonales, Martine Aubry et Cécile Duflot approuvent le principe du rassemblement. Mais personne ne semble prêt à fixer un calendrier. Pas avant, au moins, la tenue de la primaire pour les socialistes. Du côté d’EELV, on estime que rien n’interviendra avant l’entre-deux tours de la présidentielle. Difficile d’articuler la démarche des hérauts de la gauche unie avec les négociations d’appareil, plus délicates que les déclarations de principe.