carnet de campagne Numéro2
Il ne faut pas sous-estimer le score que peut atteindre François Bayrou. Certains diront que cela doit pousser le candidat à «centrer» son discours. Je crois qu’au contraire l‘enjeu est d’accroitre la lisibilité des alternatives politiques, en particulier pour sortir de la crise. Or cette crise n’est pas conjoncturelle mais impose des changements radicaux et majeurs.
Car ce qui peut faire le succès de François Bayrou est plus sa posture que le contenu de son programme. Au demeurant, on observera que celui-ci est plutôt réorienté à droite. Néanmoins François Bayrou peut se présenter comme une valeur refuge, bien illusoire au demeurant, entre les deux partis traditionnels de l’alternance, l’UMP et le PS. Tout repose sur l’insistance à mettre ces deux formations dans le même sac : ils seraient tous deux trop englués dans une vision purement gestionnaires et financières de la situation, usés par l’exercice du pouvoir voire même en partie co-responsables.
Si les français n’ont pas la conviction que le PS et la gauche leur présentent des changements majeurs, des améliorations réelles de leur situation et des perspectives d’avenir pour le pays, ils peuvent être tentés de sortir à coup sûr Nicolas Sarkozy mais aussi les acteurs traditionnels, le PS et la gauche, du jeu démocratique. Marine le Pen joue sur cette fibre, développant sa thématique anti-establishment et anti UMPS. François Bayrou le fait de façon, plus soft, avec son ni-ni. Ni à gauche, ni à droite. Son espace politique est largement constitué par celui laissé vacant par les autres. On voit bien que la désillusion créée par Nicolas Sarkozy lui offre une opportunité électorale à droite plus forte qu’en 2007. Aussi, il faut tout faire pour qu’il ne puisse rien capitaliser à gauche. Cela exige un discours fort sur le chemin nouveau que nous proposons au pays et qui permette à chaque électeur potentiel de gauche de se dire « Demain ne sera ni comme hier, ni comme aujourd’hui.» la confusion gauche/droite, la faible différenciation ouvrirait un boulevard à Bayrou.
Car, le président du MODEM ne va pas se contenter du discours centriste habituel. Il va s’adapter à la crise, à l’inquiétude de nos concitoyens en proposant une stratégie assez fréquente dans ce genre de situation : l’Union Nationale, où une forme atténuée de cette thèse. On insiste sur le caractère exceptionnel de la période, l’échec des politiques classiques, la nécessité de sortir de l’idéologie, des logiques partisanes pour faire appel aux meilleurs de chaque bord, et promouvoir un gouvernement d’experts. Toute proportion gardée le gouvernement Monti en Italie surfe sur cette idée ! Pour jouer cette carte, François Bayrou va chercher à rallier des leaders dans chaque camp. Il va commencer à droite, comme on l’a vu ce week-end avec Douste-Blazy. Et pourquoi pas à terme avec Dominique De Villepin ?
Il cherchera sans doute du côté des écologistes (plutôt son aile modérée) et aura plus de mal à gauche. De ce point de vue la proposition d’accord de désistement qu’Eva Joly a imprudemment lancé, peut involontairement dédouaner ceux qui se laisseraient tentés.
La mayonnaise de l’Union Nationale « new look » ne pourra prendre qu’en cas de manque d’enthousiasme, de clarté et volontarisme à gauche. Fort heureusement rien n’est joué, rien n’est gagné pour Bayrou qui, s’il bénéficie d’une certaine constance dans ses positions, pâtit aussi d’un isolement. Car quoi que certains disent, un grand parti mobilisé est un atout pour un candidat aux présidentielles. Mais n’oublions pas que le score du premier tour est décisif et que le candidat PS doit creuser l’écart avec Sarkozy, Marine le Pen et Bayrou pour que la dynamique victorieuse soit engagée de façon irrésistible, entrainant les électorats flottants. Sinon, les reports de voix seront plus éparpillés et les chances de Sarkozy retrouveraient quelques crédibilités.
Alors, comme François Hollande annoncera le 22 Janvier son programme qu’il pense à cette règle d’Or : Il faut pousser la différenciation avec la droite et proposer non seulement une alternance, plus juste mais bel et bien une alternative ambitieuse.