Demander leur avis aux Français sur l'indemnisation des chômeurs et l'expulsion des étrangers ? Cela n'est pas sans rappeler sa campagne de 2007. Selon Marie-Noëlle Lienemann, sénatrice PS de Paris, ancienne ministre, le président de la République doit surtout revenir sur les traités européens.
Plutôt que d’annoncer le recours au referendum pour réduire d’une part le droit des étrangers et d’autre part celui des chômeurs, Nicolas Sarkozy ferait mieux de soumettre le nouveau traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance dans l'union économique et monétaire à référendum !
Nicolas Sarkozy lors d'une conférence du CESE à Paris le 12 décembre 2011 (G. GUIBBAUD/AFP)
Nicolas Sarkozy découvre bien tardivement les vertus du référendum. Si y recourir a pu paraître un temps plébiscitaire, force est de constater que tous ceux qui ont été organisés à l’initiative des présidents de la République ont traité de sujets engageant l’avenir du pays et souvent susceptibles de modifier nos textes constitutionnels ou les fondamentaux de notre République.
Une visée manipulatrice ?
En 2007, Nicolas Sarkozy avait annoncé son intention de promouvoir le référendum d’initiative populaire. Cinq ans plus tard, ce dernier n’est devenu qu’un vague ersatz nommé d’initiative partagée, dont la loi d’application vient à peine d’être adoptée en première lecture par l’Assemblée nationale, le 10 Janvier dernier.
En réalité, il s’est arrangé pour vider complètement de son contenu la possibilité de donner au peuple le droit de décider d’un enjeu qu’il aura lui-même mis sur la grande table du débat national. De plus, rappelons-nous que sa majorité avait rejeté toutes les lois d’applications proposées par la Gauche et pour cause, il fallait avant qu’il puisse remettre en cause le statut de la Poste ou encore la retraite à 60 ans !
Derrière la visée très manipulatrice que Nicolas Sarkozy a du recours au référendum transparaît son incapacité à prendre la hauteur de vue nécessaire à un chef d’Etat dans la crise démocratique que vivent la France et l’Europe aujourd'hui et face aux risques que comprennent les grands choix historiques.
Les référendums et l'honneur français
A l’évidence, la question européenne procède de cette exigence. On notera à ce titre que depuis la création de la Ve République, de nombreux référendums ont concerné l’Europe : l’élargissement à la Grande Bretagne, Maastricht, le projet de traité constitutionnel. Dans tous ces cas, les présidents n’étaient en rien certains d’un résultat positif. Le vote en faveur de la monnaie unique fut très serré et le non l’emporta en avril 2005. C’est l’honneur de la France que d’avoir tenu à recueillir l’avis de son peuple à chaque étape importante de la construction européenne.
Tout au contraire, Nicolas Sarkozy a voulu contourner la souveraineté nationale en faisant valider un traité, copie-conforme de celui rejeté par les Français un an plus tôt, par le simple vote d’un Parlement qui s’est alors cru autorisé à revenir sur le choix du peuple, au motif que l’élection d’un président vaudrait mandat pour tout !
Ce fut une lourde erreur. Car la France ne s’est pas mise en situation réelle de renégocier pour obtenir des avancées, mais aussi parce que s’est approfondi le fossé entre les citoyens et ceux qui les gouvernent. Le déficit démocratique européen est devenu un gouffre.
Un recul républicain
Nicolas Sarkozy aurait déjà dû soumettre le traité de Lisbonne au référendum et il est en tout état de cause indispensable, devant la gravité de la crise européenne, de faire voter les français sur les deux traités instituant d’une part le Mécanisme Européen de Stabilité (MES) et d’autre part le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire (dit "pacte budgétaire").
Si formellement les deux textes apparaissent distincts, en réalité ils sont intimement liés pour instaurer une politique d’austérité anti-croissance et anti-emploi, comme des sanctions automatiques et des arbitrages budgétaires soustraits aux arbitrages démocratiques réguliers de chaque peuple (obligation de constitutionnaliser la règle d’or, contrôle des budgets nationaux par une instance non élue à savoir la commission). D’ailleurs, l’octroi d’une assistance financière telle que prévue par le premier traité sera conditionné à la ratification par l’Etat du second. Qui ne voit que se joue là une page majeure de notre histoire et de celle de notre continent ?
Et au lieu de tout cela, Nicolas Sarkozy annonce qu’il compte, s’il est réélu, soumettre au vote référendaire, une réforme de l’indemnisation des chômeurs, qui constituera un recul social évident, ou encore l’abandon du recours devant les instances normales de la justice pour l’application du droit des étrangers au profit du tribunal administratif, recul républicain s’il en est. L’objectif n’a rien à voir avec la grandeur de la France, son rayonnement dans le monde ou la construction de son futur. Il s’agit d’un médiocre calcul politicien pour tenter d’attirer les voix de la droite extrême.
Tout cela est vain, car une large part de celles et ceux qui ont voté pour lui en 2007 ne le feront plus en 2012. Ses capitulations face à Madame Merkel et à la logique libérale et monétariste qui dominent dans l’UE comptent lourdement dans ce rejet, de même que le mépris du peuple dont il a fait preuve.
Alors disons-le tout net : plutôt que d’annoncer le recours au referendum pour réduire d’une part le droit des étrangers et d’autre part celui des chômeurs, Nicolas Sarkozy ferait mieux de soumettre les nouveaux traités européens au vote populaire. Car, en voulant imposer au peuple une politique austéritaire mortifère pour la relance de la croissance, par notamment la constitutionnalisation d’une règle d’or qui n’est autre qu’une loi d’airain de la finance, Nicolas Sarkozy engage lourdement l’avenir de la France.
Il doit dès lors renoncer à soumettre au Parlement la ratification du premier des deux traités, qui plus est avant l’élection présidentielle.