Il faut renégocier les traités et la menace unilatérale envers nos partenaires doit se faire sur l’essentiel, l’emploi, le social et pas sur Schengen !
A Villepinte, Nicolas Sarkozy a tenté pour sortir de la spirale négative dans lequel il est entré, depuis bien longtemps maintenant et pas seulement depuis le début de campagne, en reprenant sous une forme nouvelle le « J’ai Changé ». On a eu droit au « j’ai appris » et à quelques promesses nouvelles. Les plus surprenantes ont été celles concernant l’Union Européenne.
Là, il ne s’agit pas d’un changement mais purement et simplement d’un revirement, et probablement d’une énième promesse mensongère. Ces figures rhétoriques, ces discours volontaristes ont fonctionné en 2007 mais ils ne fonctionneront pas en 2012. D’une part parce que l’alternative à gauche existe et est sérieuse, en particulier avec l’engagement, pris depuis plusieurs mois par François Hollande, de renégocier le traité. Mais surtout parce que les français peuvent encore imaginer qu’un sortant promette pour demain ce qu’il n’a pas réalisé hier, mais pas qu’il fera strictement l’inverse de ce qu’il a fait et réitéré il y a moins de 10 Jours.
Au dernier sommet européen alors que se discutait le traité d’austérité dit Merkosy, Nicolas Sarkozy a, une fois de plus, validé un système fondé sur le libre-échange généralisé et l’abandon d’une part de notre souveraineté économique et sociale. Mais l’autre sujet au menu des discussions était la croissance. Mais la croissance, version libérale : il faut libéraliser plus de secteurs d’activité etc.. Vous connaissez la musique. A aucun moment, le Président de la République Française n’a mis sur la table la question des protections aux frontières de l’UE, ce que nous sommes un certain nombre au PS à appeler des règles de juste échange. Nulles propositions non plus sur les aides publiques pour soutenir des politiques industrielles, alors même que chaque jour les instances européennes arbitrent de façon intégriste contre tout soutien public. Il a, comme de coutume, suivi docilement la Chancelière allemande, son amie et soutien, Angela Merkel.
Grands discours, grands moulinets à Villepinte après des années de capitulation devant les dogmes libéraux et la domination allemande. Cette fois-ci la ficelle est trop grosse et ce ne sont pas quelques paroles fortes qui rendront crédible Nicolas Sarkozy dans ses promesses de construire une autre Europe. Ceux qui ont un peu de mémoire, se souviennent de ses déclarations martiales contre l’Euro fort, l’Europe passoire dès la campagne 2007 et l’abandon total de ces exigences, au lendemain de son élection avec la signature du traité de Lisbonne qui inscrivait dans le marbre tout l’inverse. Au passage, il l’a fait ratifier sans référendum, s’asseyant purement et simplement sur le vote NON des français et du peuple !
Il a repris cette incantation et ces intonations dans son discours de Toulon sur la crise sans en tirer la moindre conséquence. Chaque fois qu’il se sait en danger électoral, il rejoue la même partition. Sans convaincre davantage. Car les discours contraires sont pléthores et plus nombreux encore : « on ne peut pas, car les autres ne veulent pas….. »
Je rappelais dans le récent débat au Sénat que Nicolas Sarkozy avait semblé monter le ton en France indiquant que les aides à l’Irlande devraient être conditionnées à l’abandon du dumping fiscal par ce pays où l’impôt sur les sociétés est dérisoire. Et puis rien, in fine, le soutien financier fut accordé sans conditions. Nicolas Sarkozy l’a accepté, ni rien dit à ses homologues européens. On notera qu’en revanche l’aide à la Grèce fut, elle, conditionnée à l’austérité et au recul social imposé aux grecs. Là non plus, il n’a rien dit. Pire, il a été complice. Les réponses de l’UMP et de la droite sont toujours les mêmes : il faut un accord de tous les européens, on ne peut pas.
Rien ne nous permet de croire qu’il mettra désormais en œuvre la fermeté et les menaces qu’il annonce aujourd’hui. Il faut croire aux Miracles pour imaginer que, tel Saint Paul sur le chemin de Damas, Nicolas Sarkozy a été brutalement, depuis la semaine dernière, converti à une autre Europe et une autre stratégie !
Pour ma part, j’ai depuis longtemps plaidé en faveur de la menace unilatérale sur des sujets clefs au sein de l’UE et j’ai même lors de la convention internationale du PS déposé l’amendement suivant :
« Une méthode pour le changement en Europe » : Le sentiment d’impuissance des dirigeants français à faire avancer une nouvelle conception face à la logique libérale est renforcé par le discours : « on ne peut pas, les autres ne veulent pas ! ». Le retour des socialistes français au pouvoir doit s’accompagner d’une stratégie visant à enrayer cette redoutable logique. Aussi, dès son arrivée au pouvoir, la gauche française devra proposer à ses partenaires un pacte de relance de l’Europe, reprenant les principales réorientations souhaitées, engagera des négociations en vue d’un paquet global. S’il s’avérait qu’un accord équilibré ne puisse être trouvé, alors la France ne devrait pas se priver d’instaurer un rapport de force politique, à l’instar de celui que le Général de Gaulle ou Margaret Tatcher ont provoqués, avec à la clé un réel succès. La grande différence, parce que nous sommes socialistes est que l’objectif ne saurait être la simple défense des stricts intérêts de notre pays, mais une certaine idée du progrès social commun en Europe.
J’ai toujours défendu cette position et demeure convaincue qu’elle, seule, peut nous sortir de l’enlisement actuel. Faut-il encore choisir les bons terrains où doit s’affirmer la réorientation.
La question principale n’est pas celle de Schengen mais celle de la croissance, de l’emploi, de la politique industrielle et du progrès social. La question est moins l’entrée des immigrés que le départ des usines et des emplois.
L’idée de sanctionner les pays qui ne seraient incapables de stopper l’immigration clandestine est hurluberlue. Il vaut mieux réfléchir à des moyens communs pour agir efficacement et humainement. Car tout cela coûte cher et les pays concernés sont les pays du Sud et ceux le plus en difficultés ! Et d’ailleurs la France est-elle réellement efficace en la matière ?
S’il s’agit de la liberté de circuler à l’intérieur de l’UE, c’est absurde et dangereux. Veut-on remettre des douaniers à nos frontières, rétablir les visas pour certains pays. La France n’est-elle pas la première destination touristique du Monde. Bienvenue aux amis européens !!
On connait, hélas la musique. Les libéraux parlent de la libre circulation pour les capitaux, les marchandises, mais pas pour les humains ! D’ailleurs Sarkozy est totalement silencieux sur tout contrôle des mouvements de capitaux, les plus redoutables aujourd’hui.
La seconde proposition faite par Nicolas Sarkozy concerne les échanges entre l’Europe et les autres pays. J’y souscris mais cela ne saurait suffire pour enrayer l’hémorragie industrielle et l’abyssal déséquilibre de notre balance commerciale qui ont marqué le quinquennat de Nicolas Sarkozy.
Bon nombre de délocalisations sont internes à l’Europe et la perte de nos part de marché se sont opérées dans l’UE. La réalité est que la droite a laissé s’installer un redoutable dumping social et fiscal au sein même du grand marché européen au nom de la concurrence libre et non faussée qu’elle vante à longueur de journée. Elle a refusé l’Europe de la coopération, de la solidarité, de l’intervention publique pour mieux asseoir l’intérêt de ses soutiens, des plus aisés et sa vision idéologique du tout-concurrence, de l’argent- roi et de la compétition ! En clair, il est urgentissime d’instaurer un nouveau cadre à l’Union Européenne fondé sur des convergences sociales et fiscales vers le haut. Evidemment une certaine progressivité sera nécessaire mais le chemin doit être clairement balisé. Il faut revoir de fond en comble les possibilités d’intervention publique pour soutenir l’emploi et établir quelques traités industriels qui comme hier la CECA, comportant un volet économique mais aussi social.
On le voit c’est donc bien une renégociation des actuels traités qui s’imposent, en premier lieu parce qu’il n’est pas ratifié et qu’il instaure une austérité destructrice, le traité Merkosy. Il faudra aussi ajouter un volet croissance, qui devra comporter des mesures anti dumping et anti délocalisation, une nouvelle politique industrielle en plus de la préférence communautaire.
Au sein du PS, nous avons sur ces sujets souvent débattu et nous garderons sans doute de réelles différences, voir divergences pendant quelques temps encore. Mais j’ai une conviction absolue : si l’on veut changer l’Europe, seule la gauche peut le faire et seule une stratégie de renégociation peut enclencher ce changement. Oui, alors, une menace unilatérale peut se concevoir sur les vrais sujets d’avenir, mais ne saurait être agitée à tout bout de champ sur ce qui n’est pas l’essentiel ! Il faut élire François Hollande.