Le second débat entre les candidats à l’investiture socialiste fut plus
animé et on ne s’en plaindra pas. Reste qu’il révèle certains choix politiques
majeurs auxquels nos camarades doivent être attentifs.
Laïcité, services publics, égalité : Comme il l’avait fait au congrès de Dijon, en demandant une loi sur l’interdiction du port des signes religieux à l’école alors que la plupart des socialistes s’interrogeaient sur une « laïcité ouverte », Laurent Fabius fut le premier à mettre en avant les valeurs Républicaines, à défendre l’égalité, la laïcité et les services publics. Il a fortement insisté sur l’ajout d’une charte de la laïcité à la constitution et le respect stricte de cette dernière à l’hôpital, comme il l’avait plaidé pour le projet socialiste en obtenant gain de cause. Même insistance en faveur des services publics pour l’égalité des territoires et des citoyens, et en particulier dans les quartiers de banlieue. Sans lui, ces enjeux ne seraient pas venus spontanément dans le débat.
Il fut le seul à faire le lien entre l’économique, le social et la crise des banlieues, du politique et de notre société.
Ce fut par exemple très net s’agissant des étudiants, où il a plaidé en faveur de l’allocation autonomie, proposée par le MJS et qui manifestement ne fut pas évoqué par ses concurrents.
Pourquoi DSK ne reprend il pas cette proposition et lance une étrange conception, celle du patrimoine de départ, pour l’heure bien peu précise ?
Même préoccupation sociale pour la famille en demandant la
revalorisation des allocations versées aux mères qui élèvent seules leurs
enfants, et des actions pour leur permettre l’accès à l’emploi.
En cela, Laurent Fabius a tiré les leçons de 2001. Contrairement à ce que cherche à nous faire croire la droite, ce n’est pas sur le sociétal, ni même sur la sécurité (sujet à ne pas négliger, bien entendu) que nous avons d’abord perdu, mais bel et bien sur la question sociale. Il suffit de regarder les résultats, où le total des voix de gauche atteint plus de 42%, celui de la droite près de 38% (chasseurs compris). L’extrême droite totalisait, quant à elle 19%. La gauche devançait donc nettement la droite. Les votes ne se sont pas cristallisés à notre gauche sur les thématiques de la droite, mais sur le social.
Pour Laurent Fabius, le social et le sociétal ne sauraient être dissociés. Ce message est profondément d’actualité. C’est sur ces fondamentaux que nous avons gagné les régionales, les cantonales, les Européennes. L’Europe social fut le sujet prioritaire évoqué lors du référendum européen, et enfin les grandes mobilisations contre le CPE ont montré la priorité qui accorde à ces enjeux nos concitoyens. Même le mouvement des banlieues exprimait, hélas par la violence, l’exigence d’égalité, de dignité des conditions de vie.
Seul cet axe politique peut nous
permettre de gagner, en créant une dynamique unitaire dés le premier tour, permettant le rassemblement
de toute la gauche au second et au-delà en élargissant sur l’exigence Républicaine,
talon d’Achille de Sarkozy.
Laurent Fabius veut placer sa présidence sous le double signe de la réponse aux problèmes les plus immédiats et la préparation de l’avenir, mais aussi de la consolidation des principes de notre République et l’ouverture de nouveaux défis comme l’écologie ou le vieillissement.
En tout cas, il ne s’est pas laissé enfermé dans l’examen des seules « propositions » de Ségolène Royal (jury populaire, carte scolaire, encadrement militaire de certains jeunes délinquants..), très éloignées des positios de la gauche, sur un terrain souvent proche de celui de l’UMP. Néanmoins, une certaine clarification s’imposait et les médias voulaient que tout tourne autour.
Double langage ou Reculs de Ségolène Royal ?
Encadrement militaire : Alors que nous sortions du combat contre le CPE, que le refus de la précarité préoccupait les français, Sarkozy cherche à faire diversion avec la délinquance et l’immigration, S Royal juge alors opportun de proposer l’encadrement militaire pour certains jeunes délinquants. La vigueur de la proposition voulait faire choc et montrer que Ségolène Royal rompait avec la « naïveté » des socialistes sur la sécurité !
Cette idée avait été clairement écartée dans le projet socialiste. Certains soutiens de S Royal avaient cependant maintenu l’idée.
Désormais elle prétend maintenir l’idée et nous présente cette solution comme une sorte d’expérimentation avec des camps humanitaires organisés par l’armée les pompiers, la gendarmerie !! on voit mal comment tout cela peut réellement se mettre en œuvre et surtout ce n’est pas à la hauteur des enjeux ?
Pour moi, rénover la politique, ce n’est pas souffler le chaud devant l’opinion et faire patte de velours devant les militants. Ce genre de propos divise la gauche, et nous affaiblit face à la droite qui cherche à faire croire que les socialistes ne sont pas sérieux sur la sécurité et n’ont pas évolué depuis quelques années !
Laurent Fabius a tiré des leçons de notre passage au pouvoir et propose un nouveau développement de la police de proximité, avec un meilleur suivi, une coordination renforcée de tous les acteurs autour d’un sous préfet à la sécurité dans chaque département.
Jury populaire : après la bronca des élus, la proposition se dégonfle comme une baudruche. Présentée comme une mise sur surveillance des élus par des citoyens tirés au sort, et une réponse au sondage où 60% des français jugeraient les élus corrompus (à prendre avec des pincettes comme tous les sondages !), voilà la proposition transformée en séance d’ échange entre l’élu et ce panel ( au passage, les élus savent bien que bon nombre de bureau de communicants proposent depuis moyennant une coquette somme l’organisation de ce genre de happening !) ; dérisoire au regard de l’importance du changement à opérer, à comparer avec la profonde révision institutionnelle vers une République Parlementaire que Laurent Fabius veut proposer par voie de référendum aux français.
Carte scolaire : les désaccords sur la remise en cause de la carte scolaire é été parfaitement argumentée par Fabius et DSK : infaisable, injuste, dangereux et contraire au projet socialiste.
Là encore près avoir soufflé le chaud et mis en cause des principes
majeurs de la gauche, toujours contestés par la droite libérale ou anti
républicaine, elle tente d’atténuer ses propos devant les militants. Cette
stratégie su stop and go, de la provocation et de l’atténuation est très
destructrice, d’autant plus que la crise politique exige plutôt un renforcement
des repères, une solidité dans la ligne défendue, une confiance dans la parole
donnée et les engagements pris !
De nouvelles propositions préoccupantes :
Strauss Kahn propose un financement des universités par les entreprises.
DSK a repris les déclarations qu’il avait faite lors d’une visite aux USA ou il trouvait judicieux de faire financer par les entreprises des formations universitaires correspondant à leurs vues. Il avait donné l’exemple de formation en physique nucléaire financée par EDF ! Ce genre de méthode amène peu à peu l’Etat à n’assurer le financement des universités qu’à minima, les appellent à rechercher les financements privés. C’est ainsi d’une part que les entreprisse, et les plus grandes, finissent par orienter l’ensemble du système universitaire, d’autre part que s’instaure une grande inégalité entre elles. Or l’université doit voir le long terme, préparer des formations dans tous les domaines même non rentables immédiatement), former des esprits critiques, libres et capables d’évoluer.
Ségolène Royal propose que les chefs d’établissement choisissent les
enseignants.
Chacun voit bien les risques de cette méthode. Après sa proposition de régionalisation totale de politiques majeures (aides publiques à l’économie, prison, université, une large part des impôts, immigration….) qui met en cause l’unité de la république, vient un système d’atomisation des établissements qui met en cause l’unité de l’école publique, avec des établissements, sortes de communauté autonomes. Hélas cette idée fut souvent reprise par les libéraux qui font de l’autonomie des établissements, le ba-ba de toute réforme, aiguisant leurs spécificités pour stimuler une certaine concurrence. Après la mise en cause de la carte scolaire qui met en concurrence les établissements vient le grand marché des professeurs ! S’il y a une cohérence, elle s’appelle le démantèlement du service public national de l’Education Nationale. Entre les moyens donnés pour renforcer l’engagement de toute l’équipe éducative, qui au passage aura besoin d’être considérablement renforcée dans les collèges et principalement dans ceux qui connaissent des difficultés, entre le soutien à des projets d’établissements qui sort de l’uniformité et cette mise en concurrence sous l’autorité du chef d’établissement il y a un monde. A propos qui avait parlé de Tony Blair au début de la campagne.
Le projet socialiste mis en cause et discrédité !
Rangé au rang de plus petit dénominateur commun, d’eau tiède ou de vestige archaïque par les deux challengers de Laurent Fabius, qui est le seul à le défendre et d’en défendre la logique politique, notre projet a même été qualifié par Ségolène Royal avec une ironie mordante de petit livre rouge. DSK a lui aussi parfois pris ses aises avec le projet. Sa façon de décrire sa vision du rôle du président le place davantage dans le camp des présidentialistes ( qui d’ailleurs je crois est son choix personnel) qu’en défense volontaire d’une République parlementaire que Laurent Fabius a toujours promu et qui est dans le projet. Il n’est pas favorable à la restauration d’un capital public à 100% pour EDF, et à un pôle public EDF GDF et l’a manifesté après le vote du projet. Mais, il n’avait pas souhaité poser ces questions devant les militants.
Or ce projet a été préparé dans un esprit collectif, et voté par la quasi-unanimité des militants. Il faut lui donner davantage de souffle, de consistance sur certains points, l’enrichir, le populariser mais en aucun cas l’affaiblir, le discréditer et faire des propositions contraires.