Dans cette affaire il y a trois problèmes :
- un problème lié à l'Euro
- un problème de capital et d'actionnariat
- un problème de management et de politique industrielle
Les pouvoirs publics des Etats engagés dans Airbus comme les institutions européennes peuvent et doivent agir. Ils doivent le faire vite, imposer le maintien des emplois et des sites, car cette entreprise n'est pas une entreprise comme les autres et ce marché de l'aéronautique non plus puisque la concurrence s'opère entre deux géants mondiaux Boeing et Airbus.
Surtout ne tombons pas dans le piège d'entretenir l'opposition entre les salariés français et allemands, comme si l'enjeu était de savoir où allait tomber le couperet. L'enjeu est ailleurs et suppose une mobilisation unitaire entre tous les travailleurs, les salariés d'Airbus et ses sous-traitants.
Il y a 2 mois, j'interpellais en séance publique du Parlement Européen à Strasbourg les institutions de l'Union après les déclarations de l'ex-PDG d'Airbus qui disait vouloir produire en Zone "Dollar" parce que la parité de l'Euro était défavorable aux exportations. Une fois de plus, j'ai eu droit au discours sur l'indépendance de la Banque Centrale et sa lutte contre l'inflation... Je n'ai eu aucun regret d'avoir voté NON. Mais j'étais en droit, après le vote important du peuple Français, d'attendre du gouvernement d'importantes pressions sur Bruxelles en faveur d'une autre politique qui stoppe cette logique suicidaire de l'Euro fort. Ce combat doit être poursuivi sans défaillir.
Les actionnaires d'Airbus sont tous très tenté par un désengagement. Les raisons sont multiples et il est vrai que la profitabilité à court terme d'activités lourdes comme l'aéronautique, n'est pas toujours assurée et connaît des hauts et des bas. En ce domaine, il faut des capitaux qui investissent dans la durée et qui sont capables d'accepter des périodes de réorganisation et des trous d'air.. C'est tout le contraire de ce que privilégie le capitalisme financier transnational d'aujourd'hui. Et c'est la vertu du capital public d'assurer une pérennité souvent indispensable au rebond. Souvenons nous des thèses catastrophiques sur l'avenir d'Air-France dans les années 90 et la stabilité de cette compagnie, alors publique quand tout le secteur était en pleine crise et vulnérable car leurs actionnaires lâchaient prise. Il faut remettre du capital public pour assurer une relance industrielle sereine et forte d'Airbus.
Ce capital doit permettre un développement de toute la gamme et le refus des délocalisations ou externalisations. Car si les entreprises peuvent être rentables et utiles, leur revente ne s'explique que pour des raisons de cash. Soit, il s'agit de préparer des délocalisations dans des pays à main d'oeuvre bon marché et c'est inacceptable. D'autant plus que le prix des salaires dans un Airbus n'est pas considérable et que la parité monétaire a souvent bien plus d'importance et on en revient au point numéro un. Donc le capital public est aussi une garantie contre l'hémorragie de notre savoir faire industriel.
Enfin, il est vrai que la direction d'Air bus a été défaillante, que le jeu du chacun pour soi a fini par prendre le pas sur l'intérêt collectif. C'est vrai entre pays et entre gros actionnaires, tous très prompt à chercher à partir. J'avais manifesté mon désaccord lors du monopoly EADS, le désengagement de l'Etat sous Jospin, avec de surcroît le choix du siège social en Hollande, pour des raisons fiscales. A l'époque, on nous traitait d'archaïque. qui peut croire que la réussite de Boeing ne doit rien aux choix politiques américains et qui peut croire que cela peut se faire autrement en Europe, il faut donc un cadre politique qui exprime une volonté forte de réussir ensemble. Ce fut fait hier, cela doit être relancé aujourd'hui. Il faut y ajouter plus de contrôle et de pouvoir pour les organisations syndicales, car elles mieux que bien d'autres ont un regard affuté sur l'entreprise et son devenir. Il faut un pilotage public plus transparent et associant les régions et land les plus concernés.
Au delà, il est impératif de relancer des politiques industrielles européennes car en activités connexes à Airbus se jouent de très nombreux secteurs de pointe comme les nouveaux matériaux, les nouveaux moteurs. L'Union Européenne ne peut pas se contenter de quelques subsides - bien trop modestes- pour la recherche, il faut construire des synergies pour faire face à la montée de nos concurrents...
Au fond, l'avenir d'Airbus nous met devant une responsabilité majeure, devant un choix de société.