Marie-Noëlle Lienemann a publié un point de vue dans Le Moniteur du 18 janvier 2008. En voici le contenu :
Le Président de la République a ouvert le chantier de la réforme institutionnelle. Au-delà ce toilettage nécessaire, il faut repenser l’organisation de l’administration d’Etat pour répondre aux attentes de nos concitoyens et relever les défis contemporains. Le droit opposable au logement devrait symboliser cette exigence d’un lien étroit entre un droit fondamental et sa mise en œuvre effective partout et pour tous.
Suffit-il de laisser agir les acteurs privés ou décentralisés et de plaider la justice en arbitre ultime ? Ce n’est pas la tradition républicaine et cette méthode n’a fait nulle part la preuve de son efficience. Assurer à chacun un logement décent et abordable, un parcours résidentiel adapté, une mixité sociale garante du « vivre ensemble » exige une administration spécifique tournée vers cet objectif. Elle doit embrasser le suivi du marché immobilier, la régulation des prix, le financement du logement social, la réhabilitation, la construction, l’hébergement des publics en difficulté de l’urgence à l’insertion, l’accession à la propriété, l’équilibre urbain, le développement durable. Elle doit être l’ensemblier d’acteurs variés, publics ou privés, agissant à des échelles territoriales différenciées. Le rôle de l’Etat demeure essentiel pour l’égalité républicaine et pour combattre l’exclusion des plus pauvres.
Le parent pauvre du ministère de l’équipement
Il faut organiser un regroupement des différents services de l’Etat consacrés à toutes ces missions et instaurer une nouvelle façon d’agir. Voilà un fantastique défi pour notre pays comme pour les fonctionnaires mobilisés pour faire de la France le premier grand pays à assurer un vrai droit au logement (pas seulement à l’hébergement). Le dispositif public actuel n’est pas en mesure d’atteindre ces buts. Le logement a été longtemps le parent pauvre du ministère de l’équipement. Il y a moins de cinq ans, ce ministère était composé de 100 000 agents et le logement occupait 3 000 personnes, soit 3% de l’effectif. Le logement apparaît non stratégique au sein d’une administration vouée aux routes et transports. Loger les Français est un enjeu suffisamment vaste, complexe et essentiel pour justifier un ministère doté d’une administration autonome dans l’ensemble de l’hexagone. Depuis peu, il existe un ministère du logement et de la ville séparé du ministère du développement durable. Mais ce sont les mêmes services de l’équipement qui gèrent le dossier et le logement risque de nouveau d’être considéré comme un sujet de second rang. Or le parlement a voté le droit au logement opposable et nul ne peut sérieusement dire, dans chaque département ou région, qui s’en préoccupe concrètement et en assumera la responsabilité finale.
Au sein de l’administration centrale existent de multiples directions, délégations ministérielles et interministérielles, des services statistiques différents, diverses agences, une mission d’inspection, une caisse de garantie. L’hébergement relève des affaires sociales tandis que le contingent préfectoral de logements sociaux ou les expulsions relèvent de l’intérieur ! On ne sait plus où se trouvent les centres de décisions stratégiques, il n’existe pas de système national d’information pour donner au ministre, à un préfet, à un responsable administratif, à un élu une image claire, carte géographique à l’appui, de la répartition des logements privés et sociaux et des besoins de la population sur son territoire, sauf initiative locale d’une D.R.E ou D.D.E. On multiplie les observatoires et les études locales sans faire bien fonctionner les systèmes, statistiques existants. Que le ministre du logement ne connaisse pas le nombre de demandeurs de logements sociaux pour plaider son budget devant le parlement relève du paradoxe ! Garder une image brouillée de la réalité est déjà renoncé à la changer.
Nul citoyen ne doit être exclu de l’accès à ses droits. La
décentralisation confie aux élus des pouvoirs importants. Mais le droit
au logement pour tous ne sera pas garanti par un patchwork de
collectivités, prioritairement responsables de leurs ressortissants !
L’Etat doit veiller à ce que chacun fasse son devoir et que nul citoyen
ne soit exclu de l’accès de ses droits. Aussi l’administration du
logement doit, en cas de défaillance de protagonistes majeurs, et
singulièrement des élus, avoir des moyens de sanction et de
substitution mais aussi d’expertise extérieure, de conseil et
d’évaluation.
Il y a dans la fonction publique des trésors de
compétences et de motivations qui n’attendent qu’à être relevés et
mobilisés autour de grandes causes. On peut redonner à nos citoyens une
place centrale, avec une administration regroupée et accessible, des
formalités simplifiées, des réponses rapides, une prise en compte des
situations d’ensemble des familles. Il est urgent de créer cette
nouvelle administration du logement et de la ville et de briser
certaines habitudes et quelques féodalités. Qui a parlé de rupture ?