Nicolas Sarkozy semble se scandaliser du mauvais fonctionnement de ce capitalisme immoral qu’il et dénonce à Toulon.. Mais il oublie de dire qu’il fut le ministre des finances et a eu cette idée saugrenue et dangereuse des crédits hypothécaires et même des hypothèques réversibles sensées stimuler la consommation…. Il revenait des USA et avait été conquis par le système du « tous propriétaires » et de la financiarisation de l’immobilier et du logement. Un classique du genre pour notre chef d’Etat et de son rêve américain. Un classique du genre pour les libéraux de la commission européenne..
En revanche, dés cette époque, nous fûmes un petit nombre à dénoncer le danger de ce système qui allait créer les subprimes. A force de ne jamais prendre en compte le long terme, les risques sont sous-estimés, nul n’imagine des retournements de tendances et pourtant ils ont toujours lieu !!! Et oui, il vaut mieux avoir un monde d’avance. Aussi je livre à votre sagacité cette tribune que j’avais publié dans le journal « les échos » le 18 Mai 2004 !
« Les fausses vertus des prêts hypothécaires
Tribune publiée dans Les Echos du 18 mai 2004
Faut-il moderniser le marché hypothécaire français sur le modèle américain ? Nicolas Sarkozy en a avancé l'idée pour relancer la consommation. La Commission européenne y travaille. Les principaux prêteurs hypothécaires européens proposent de créer un équivalent de Fannie Mae et Freddie Mac, les agences parapubliques qui refinancent le marché hypothécaire américain.
Mais les particuliers ont-ils vraiment à gagner à l'offre de prêts garantis par leurs biensimmobiliers ?Tout d'abord, le marché hypothécaire américain fonctionne avec une proportion plus grande de prêts à taux d'intérêt variable. Il peut évidemment faire envie au terme de quinze ans debaisse des taux aux Etats-Unis. Mais quelles y seront les conséquences d'une hausse des taux, de plus en plus probable ? Que deviendra la consommation quand les mensualités de remboursement monteront, quand des emprunteurs défailliront et qu'un cycle de baisse du prixde l'immobilier s'ensuivra ? Je ne crois pas que notre imaginatif ministre de l'Economie pense une seconde aux risques d'un marché hypothécaire sauvage pour ceux dont le tiers du revenu part en remboursement de prêts.
Il y a pire ensuite..... suite
Dès qu'une hypothèque devient liquide, rien ne s'oppose à faire des prêts à la consommation sur les biens immobiliers. Le ministre de l'Equipement, Gilles de Robien, a demandé à quatre experts d'analyser ce catastrophique « reverse mortgage », ou « hypothèque inversée » en français canadien. C'est un prêt à la consommation sans remboursement, garanti par la maison d'un propriétaire occupant. Aux Etats-Unis, il est réservé aux propriétaires occupants de plus de 62 ans. Proportionnel à la valeur de l'immeuble, à l'âge et aux taux du moment, il devient remboursable si l'emprunteur n'occupe plus sa maison, n'est plus à jour de ses obligations de propriétaire ou décède. Exemple : un propriétaire occupant d'une maison de 150.000 euros de 65 ans, pouvant donc espérer vivre près d'une vingtaine d'années, pourrait emprunter jusqu'à 60.000 euros sans condition de revenu ni mensualité de remboursement.Alléchant, non ?
Mais les risques sont évidents. Une fois le prêt consenti, il n'y a pas de rallonge possible en cas d'accident, de maladie, d'invalidité ou de perte de ressources rendant impossible le maintien dans les lieux. Il faut alors vendre la maison, quelles que soient les conditions de marché. Ces prêts ont aussi donné lieu à des abus : détournements d'héritages, montages fiscaux. Au Canada, des associations militent contre eux. Aux Etats-Unis, la loi impose une journée de formation aux emprunteurs avant de signer.Le lobby hypothécaire américain a habillé cette technique de motifs sociaux. Les retraites complémentaires américaines touchant beaucoup moins de monde qu'en France, le pays compte davantage de retraités pauvres. 40 % des dossiers serviraient à payer des frais médicaux lourds. Cette réforme est logique pour une droite qui veut remettre en cause la sécurité sociale pour les personnes âgées, car elle participe d'une politique d'abandon des mécanismes de solidarité. Elle est séduisante pour les financiers, car elle leur ouvrirait un marché plus sûr que les prêts à la consommation.
Qu'en est-il pour les particuliers ?
Dans le « rêve américain », l'hypothèque inversée est présentée comme une contrepartie, la juste récompense de l'effort d'épargne d'une vie. Elle offre du cash aux propriétaires qui ont des revenus trop faibles pour emprunter autrement. Mais en réalité, c'est un pur prêt à la consommation avec un risque maximum pour l'emprunteur, sans accord requis des héritiers, sans obligation de comparer à une solution plus rationnelle comme la vente du domicile pour en acheter un plus adapté. Il n'y a rien de social là-dedans !
Quand on a les moyens et des années d'activité devant soi, le choix de l'endettement est un risque mesuré. Il y a toutefois des échecs causés le plus souvent par le divorce et le chômage. C'est pourquoi j'avais lutté pour sécuriser les prêts sociaux à l'accession à la propriété. Il est essentiel de prémunir les acquéreurs contre la vente forcée de leur maison en cas de défaillance. Avec les hypothèques inversées, le risque est accru, car l'emprunteur est âgé et donc plus vulnérable. Pousser à l'endettement des petits propriétaires retraités au risque de tout perdre est irresponsable.
Le terme d'hypothèque inversée est une hypocrisie : une hypothèque normale se termine par la propriété. L'inversée est une dépossession anticipée. On devrait l'appeler « prêt viager non sécurisé irréversible sur hypothèque du domicile ». Moderniser le marché hypothécaire, pourquoi pas. Les emprunteurs et les banques y gagneront bien quelques euros. Augmenter le risque des acquéreurs et fabriquer de nouveaux surendettés à vie : pas question ! »