Interview de Marie-Noëlle Lienemann publiée dans La Voix du Nord le 4 Mars 2009
Sonnée, groggy par la sécheresse de la sentence. Elle qui portait à bout de bras l'étendard étoilé depuis 1984 a été, le week-end dernier, victime d'un brutal rajeunissement des cadres édicté par le « national ». Verdict, au 15 juillet prochain, Marie-Noëlle Lienemann ne sera plus députée européenne. Et, une fois l'amertume du jour évaporée, continue à vouloir prendre date avec l'avenir.
Vous vous attendiez à ce coup de massue de la part de vos amis ?
« A priori, non, mais... Il y a quelques jours encore, j'étais confiante. Mais je ne suis pas la seule à avoir dû laisser ma place dans tout ce mouvement de rénovation et de bousculade généralisées. On a décidé de ne pas reconduire à peu près la moitié des sortants et parmi eux des personnalités dont le président du conseil régional du Limousin, André Laignel... Le parti a pris le choix de la rénovation et moi j'étais sans doute celle qui avait fait le plus de mandats parce que j'ai été élue la première fois en 1984 au Parlement européen. D'où l'inconvénient de commencer jeune... »
Est-ce que vous ne payez pas là aussi votre liberté de parole, ces livres où vous n'avez pas été tendres avec les vôtres, dont Martine Aubry...
« C'est sûr que, plus on est autonomes, moins on a tendance à être dans un groupe organisé. Peut-être, oui, que ça a pu peser... En tout cas, je peux vous assurer que ce n'est pas de Martine que le coup est venu. Elle a même été tout à fait correcte avec moi... »
Alors vous savez à qui vous devez cette éviction ?
« Oui, bien sûr, mais je n'en dirai pas plus... »
Certaines rumeurs annoncent que vous pourriez rejoindre le mouvement de Jean-Luc Mélanchon...
« Vous savez, surtout à Hénin-Beaumont, ce que sont les rumeurs. Mais je vais vite tordre le coup à cette rumeur, je ne rejoindrai pas le Front de gauche, je reste au parti socialiste. Et à supposer qu'un jour je quitte le PS auquel j'appartiens depuis 1971, cela ne pourra être que pour un problème politique de fond et non pas lié à ma personne. Si j'avais la conviction que là est l'avenir de la Gauche, j'irai, mais ce n'est pas le cas... Maintenant je pense à l'avenir, je ne suis pas une femme d'amertume. Tout ce qui me préoccupe aujourd'hui c'est le sort de mes assistants... »
« F. Mitterrand avait été renforcé par ses défaites ! »
Vous, qui aviez une barque bien chargée, allez désormais retrouver un peu de temps libre.
« Là, il faut que j'absorbe le coup quand même. Psychologiquement, je ne m'y attendais pas. Il faut que je finisse correctement mon mandat qui court encore jusqu'au 14 juillet. Pour ce que la Région peut obtenir, il me faut vérifier tous mes contacts pour être sûre qu'ils puissent être concrétisés sur les fonds européens. À titre politique, je veux avoir bouclé correctement tout ce que j'ai engagé, je vais donc être très prise jusqu'au 14 juillet. »
On va vous voir plus à Hénin-Beaumont ?
« Pour l'instant, l'essentiel est de remettre les comptes en ordre de marche. Et moi, avec en charge l'habitat et l'urbanisme - euh désolé non, juste l'habitat - je ne me retrouve pas avec un secteur prioritaire d'autant qu'il n'y a pas un sou à mettre là-dedans. Le fait que je ne sois pas à 100 % sur ce sujet n'est pas aujourd'hui un handicap. Je reste vigilante par rapport à ce qui est adopté en conseil mais il ne vous a pas échappé que je ne suis pas celle qui règle le budget. »
Par contre votre présence, suite aux aspirations de mars dernier, est un symbole fort !
« C'est juste. Mais, ma vigilance, soyez sûr que je la maintiens même si elle n'est pas toujours visible en terme de présence ... »
Dans l'équipe majoritaire, ne vous sentez-vous pas bien esseulée désormais ?
« Honnêtement, je ne veux pas en rajouter là. On attend les résultats du Conseil d'État, et de pouvoir monter les prochains budgets par rapport aux contraintes de la CRC. L'équilibre budgétaire est mon souci principal. Sur le reste, je ne veux pas faire de déclarations supplémentaires. »
Même sur le travail actuel des deux brigades financières ?
« Je n'en sais rien. Pour l'instant il n'y a aucune mesure juridique d'engagée. J'entends des bruits tellement contradictoires là-dessus. J'ai déjà vécu ça, vous savez. Des brigades financières qui déboulent et qui n'aboutissent à rien... Alors, faut faire attention ! »
Votre vie après le 14 juillet ?
« Là. Je ne suis pas encore en train de régler cette question, je me concentre sur des problèmes du quotidien. Ce que je peux vous dire c'est que j'ai une détermination à continuer à mener la bataille politique. Pour l'instant, je souffle un petit peu... »
D'autant qu'il y eut, il y a peu, une autre défaite pour la présidence de l'Union sociale pour l'habitat...
« La vie c'est aussi de savoir traverser des moments délicats et on en sort plus fort. François Mitterrand m'avait toujours dit ça, qu'il avait été renforcé par toutes ses défaites et je suis dans cette filiation là... »
N'y aurait-il pas là matière à écrire « Mon inventaire 2 » ?
« Peut-être, Si j'écris quelque chose, et je suis en train de me tâter, c'est sur le protectionnisme. Je réfléchis à un bouquin sur les formes modernes de protectionnisme qui ne soient pas du nationalisme... » •