Le regard vers l’avenir vaut mieux que les regrets. J’achève mon mandat de députée au Parlement Européen avec le sentiment d’avoir sérieusement travaillé pour faire avancer la construction européenne, une certaine idée de l’Europe.
Je l’ai fait parfois en phase avec la majorité du Parlement européen, en particulier en m’engageant avec force en faveur de l’écologie et au sein de la commission de l’environnement. C’est à coup sûr, dans le domaine de l’eau que mon intervention aura été déterminante, puisque j’ai été rapportrice et négociatrice en co-décision des grandes directives : la directive cadre sur l’eau (fleuves, rivières, eaux douces de surface ou souterraines) et la directive « stratégie marine » qui établit un cadre similaire pour les mers et océans. Les objectifs sont ambitieux : la restauration du bon état écologique des eaux en 2015 pour les eaux douces, en 2020 pour les eaux marines.
Membre de la commission exceptionnelle du Parlement Européen sur le changement climatique, j’ai participé activement aux débats sur le paquet énergie-climat, et sur les normes environnementales si importantes pour l’industrie et nos économies. Depuis longtemps je plaide pour une révolution écologique et je me réjouis de voir cette idée davantage partagée aujourd’hui.
Mais j’ai aussi porté au Parlement européen un point de vue résolument critique sur la construction libérale de l’UE, les choix économiques et politiques dominants depuis 15 ans ! J’ai désapprouvé la précipitation et les conditions de l’élargissement aux pays de l’Est. J’ai voté contre le traité d’Amsterdam, le projet de constitution ou le traité de Lisbonne; J'étais convaincue qu'ils noyaient la belle idée de l’Europe dans la mondialisation financière et le libre échange généralisé et qu'ils nous conduisaient dans le mur. Je ne peux accepter que notre modèle social, nos valeurs républicaines soient ainsi mis à mal ! J’ai systématiquement refusé la libéralisation des services publics, parfois bien seule, même au sein du groupe socialiste et parfois aussi parmi les socialistes français !
L’approfondissement de la crise conduit bon nombre de ces camarades à reprendre un discours que j’aurais aimé voir défendu auparavant. Nous y aurions gagné en crédit auprès de nos concitoyens. Mais mieux vaut tard que jamais ! Puissent les évolutions en cours au sein de la gauche européenne se poursuivre, s’amplifier et s’accélérer. Cela dépend beaucoup de la gauche française et c'est tout le sens de mon engagement dans le club Gauche Avenir.
J’ai toujours tenté de présenter des contre propositions, une vision alternative. Depuis les années 90, je milite en faveur d’un traité social qui instaure des convergences de certains standards sociaux majeurs. Comme nous l’avons fait avec la monnaie, il faut faire converger, vers le haut, les salaires minimaux vers un SMIC européen. J’ai proposé systématiquement le retrait des directives de dérégulation tant qu’une directive cadre consacrant la spécificité des services publics et l’exception au tout concurrence n’était pas applicable. J’ai plaidé pour des politiques industrielles à l’image de la Communauté Européenne du Charbon et de l’Acier (CECA) qui allient investissements d’avenir, préférence communautaire et un cadre social protecteur pour les salariés.
Ce ne sont que quelques exemples qui montrent qu’on peut penser l’Europe autrement et être en phase avec les attentes des citoyens!
Il m’est arrivé d’être un peu découragée, dubitative, cherchant en vain, le sursaut de ce parlement qui représente les peuples et qui m’est trop souvent apparu loin d’eux et de leurs préoccupations.
Mais en même temps j’ai apprécié ce lieu irremplaçable et précieux de confrontation féconde parfois même au sein de sa famille politique, de compréhension mutuelle des cultures, des histoires et des points de vue des autres peuples. Le Parlement européen devrait être un véritable creuset pour jeter les bases d’une nouvelle civilisation européenne. Au quotidien, on mesure que nos fondamentaux, nos conceptions politiques, matricés par l'histoire de chaque pays, ne sont pas toujours aisés à concilier. Il ne fut pas toujours simple de défendre l’originalité des valeurs et du modèle républicain de la France. J’ai essayé de me garder de deux écueils : renoncer et céder aux sirènes dominantes vantant les vertus du modèle anglo-saxon ou social- démocrate du Nord d’une part, asséner nos positions avec suffisance ou esprit de supériorité, d’autre part. J’ai toujours pensé que l’explication, l’argumentation pouvaient convaincre les autres et qu’il était de notre devoir de tout faire pour y parvenir. J'y demeure attachée et je sais que cette confrontation oblige à revenir aux sources, aux fondements, parfois idéologiques de nos choix et qu’il est bien dommage que nous ne fassions pas cet exercice pour nous même, en France. Peut être saurions nous, ainsi, redonner du sens à la politique, à l’idéal républicain, et avoir plus d’exigence et d’imagination pour qu’il rentre dans les faits !
Sachons tenir bon ! Combien de fois ai-je entendu que le droit du sol devait être abandonné car la plupart des autres pays reconnaissaient le droit du sang… Ce sont eux qui sont venu sur nos positions, que d’aucun jugeaient minoritaires. Je forme le vœu que nous sachions ainsi convaincre sur la Laïcité …
Je prépare la création d'un club européen, à gauche, avec ces collègues qui sont parfois devenus des amis et avec lesquels nous avons échangé avec passion nos convictions, pour faire avancer l’Europe, inventer l’avenir, un avenir de paix, de progrès partagé et pour changer ce monde qui en a tant besoin…. Le combat continue !