Nicolas Sarkozy propose un grand emprunt pour combler momentanément le déficit budgétaire qui explose. Je ne suis pas une fanatique de l’orthodoxie budgétaire mais il faut bien voir que si les trous sont si conséquents tant dans les comptes de la sécurité sociale que dans le budget de l’Etat, c’est en partie parce que les prélèvements et impôts ont été injustement et anormalement baissés, en particulier pour les plus riches, pour les dividendes qui continuent à être largement versés même en période de crise, pour les stock options qui ne cotisent pas…
Pourtant un grand emprunt pourrait être une excellente idée si on utilisait cet argent au service d’une relance des politiques industrielles et de la croissance verte. Il faut donc d’un coté l’abandon du bouclier fiscal, de nouvelles recettes et une révolution fiscale et de l’autre un grand emprunt pour renforcer dans notre pays le capital public et une politique industrielle au service d’une croissance verte.
Il doit massivement devenir du capital public. Là, l’emprunt serait actif et facile à rembourser.
Cette idée, je l’ai à maintes fois proposée au PS, hélas sans être écoutée. Mais une fois de plus Nicolas Sarkozy va prendre une bonne idée pour la dénaturer.
Cette idée, je l’ai développé en public au moins trois fois.
En Octobre 2008, alors qu’on nous disait que la crise était financière et je disais qu’elle était globale, qu’elle nous imposait de changer et redonnait de la crédibilité aux idées de gauche.
J’indiquais : « A l’évidence, il faut s’attaquer à ces problèmes récurrents mais regardons avec plus d’objectivité notre situation : Si l’endettement public est fort, l’endettement privé est faible, ce qui n’est absolument pas le cas dans la plupart des autres pays notamment aux USA, ainsi notre endettement global est plutôt limité et du point de vue macro économique, c’est cela qui compte. Ce constat ne vise pas à sous estimer la nécessité de choix économiques, notamment fiscaux visant à réduire les déficits, mais à tordre le cou à la thèse selon laquelle, il n’y a aucune possibilité de relancer la croissance en France. Pourquoi ne pas lancer de grands emprunts, garantis par l’Etat pour des investissements prometteurs d’avenir, pourquoi ne pas accroitre des prélèvements pour constituer des fonds souverains français soutenant notre industrie par des prises de capital public dont les dividendes abonderaient à terme le fond de réserve des retraites… A vrai dire, un new deal est nécessaire ici comme ailleurs, il doit reposer sur une hausse des salaires, une réforme des prélèvements qui doivent moins taxer le travail ; elle doit restaurer un impôt sur le revenu digne de ce nom et sa progressivité mais aussi ponctionner davantage les mouvements et revenus du capital. Ces marges de manœuvre nouvelles doivent être mises au service du soutien aux investissements. Elles seront d’autant plus efficaces que nous oseront réinstaurer des protections ciblées dans nos échanges ! »
A l’invitation du MRC de Jean-Pierre Chevènement, je participais à un colloque en décembre 2008, où je développais plus en détail cette idée :
« C’est le moment de faire preuve de volonté et de volontarisme en fédérant le pays sur des grands défis porteurs d’avenir quoiqu’il arrive. C’est l’idée d’un new deal qui ne saura être mobilisateur qu’à condition qu’il lie le social, des progrès collectifs, un développement économique et l’écologie. Nous devons lancer des grands chantiers d’avenir. Je pense au logement, à la dépollution de l’eau, aux transports propres, aux énergies du futur, à la médecine, à la lutte contre le vieillissement, à l’espace ... Sur ces enjeux, il est temps de réinventer des formes nouvelles de planifications, où doivent converger des initiatives publiques, privées, l’action de l’Etat, des collectivités locales, des partenaires sociaux, les branches d’activité, des ONG autour d’objectifs précis, d’investissements immédiats, de mesures de soutien. Voilà longtemps que je propose que cette démarche soit engagée pour le logement et le bâtiment. Les besoins sont patents, les évolutions dans la construction durable sont considérables et prometteuses en terme d’exportation, l’emploi peu délocalisable doit être revalorisé et il est indispensable de généraliser une montée en compétence pour assurer la qualité et la maitrise des nouvelles technologies vertes. Il est urgent d’établir un tel plan avant que les faillites, licenciements se multiplient et affaiblissent durablement un secteur d’avenir. Ce plan doit s’appuyer sur une relance massive de construction de logements sociaux et la mobilisation des fonds du livret A. Sur ce sujet, mais peut être plus encore sur des projets concernant la lutte contre la maladie, la dépendance ou les infrastructures de transport et d’énergie « sans pétrole et CO2 » il est possible d’appeler un grand emprunt public, car la France est un pays où l’endettement public est important mais pas l’emprunt des particuliers… »
J’ai souvent tenté de promouvoir cette idée au sein du PS, en particulier lorsqu’il s’agissait de travailler à un plan relance, mais en vain…
Déjà, j’avais tenté cette suggestion lors des élections présidentielles, mais tout cela n’intéressait personne.. On faisait de l’écologie cosmétique dans les discours et la politique industrielle ne passionnait pas pourtant les délocalisations se multipliaient. Dans « Au revoir Royal », j’écrivais en juillet 2007 en soutenant l’idée de fonds d’investissements publics.
« D'autres structures pourraient être créées, tantôt à capitaux publics, tantôt en lien avec le secteur mutualiste ou des acteurs privés. Les aides aux entreprises devraient, le plus souvent possible, s'opérer sous forme de prise de capital, on peut même imaginer que la taxation de profits exceptionnels, comme ceux de Total actuellement, se fasse par le versement d'actions à ces fonds souverains publics. La formule répondrait à la justice fiscale et ne spolierait pas les capacités de développement des entreprises. Au-delà, les Français pourraient y placer leur épargne et accepteraient sans doute un rendement moins spéculatif mais installé dans la durée et créant de la richesse nationale ! »
Maintenant il nous faut imposer que les choix ne soient pas réalisés par le seul exécutif et quelques technocrates de Bercy. Il faut associer le Parlement, les partenaires sociaux, travailler avec des branches stratégiques et même les régions. C’est désormais un combat pour la gauche, veiller à un bon usage de ce grand emprunt.