Si la question des banlieues et des quartiers populaires est particulièrement aigüe, si la peur s’installe trop souvent dans ces territoires où la République peine à faire vivre ses valeurs et à tenir ses promesses d’émancipation du plus grand nombre, la violence est partout.
D’ailleurs, l’actualité récente en témoigne: bien sûr, l’affaire de Grenoble mais aussi celle de ces villages du Loir et Cher ou encore le cas de ces jeunes tués récemment, à coups de couteaux, lors de fêtes locales, dans différents villages ou villes moyennes du pays.
Alors ne confondons pas tout ! Le problème des banlieues mérite des politiques économiques sociales, éducatives et urbaines d’une autre ampleur que celles mises en œuvre depuis de très nombreuses années. Au fond, ces quartiers révèlent, de façon particulièrement aigüe, tous les dysfonctionnements, toutes les inégalités engendrées par le système dominant.
Mais enfin, quand des braqueurs, manifestement puissamment armés, finissent leur cavale, croyant se réfugier dans un univers connu, on est moins dans un problème de quartier que dans un cas de banditisme. La mort d’un homme fut il un délinquant majeur est toujours un drame, en particulier pour ses proches qui le voient souvent très différemment du reste de la société. La justice doit dire ce qu’il en est de son décès et il est vital pour notre République qu’elle le fasse avec une précision et un soin extrêmes. Mais, rien ne justifie, ne peut justifier l’organisation d’une rétorsion violente, destructrice et armée. Où va-t-on ?
Ce qui devient vraiment révélateur d’une perte majeure de repères est que ses amis, ou ses complices transforment en terrain de guerre le quartier et s’attaquent à coups de feu aux forces de l’ordre, manifestant ainsi leur appartenance d’abord, à un clan, à un groupe, à un territoire plutôt qu’à l’ensemble de la société, voir contre le reste de l’humanité. Ce n’est qu’un petit nombre et il faut remarquer que la grande masse des habitants du quartier ne se solidarise pas avec eux. En revanche, ils subissent et ont le sentiment renforcé qu’ils sont les oubliés, mis en marge, mal défendus et stigmatisés. Et là, il nous faut être extrêmement attentif. Là se pose la question dite des quartiers qu’il serait absurde de limiter à l’insécurité, mais qui doit néanmoins prioritairement faire reculer la peur et de la misère.
Mais quand pourrons nous enfin engager un débat sérieux sur la violence, sa diffusion pernicieuse, sa généralisation, voire sa banalisation ? Ne nous cachons pas la vérité.
Le développement rapide et massif de la grande délinquance, ces passages au meurtre si fréquents pour une bagarre, une altercation, un désaccord, cette facilité d’obtenir une arme, même des armes de guerre sont gravissimes. Il faut à l’évidence des mesures d’investigation, de répressions plus efficaces qu’aujourd’hui. Sarkozy nous avait fait croire qu’il allait s’attaquer à l’économie parallèle. Manifestement, sa politique du chiffre a plus multiplié les arrestations de consommateurs de haschich, de petits dealers- et encore- que permis de faire reculer les attaques sur les personnes , le commerce des armes et la grande délinquance, les réseaux de type mafieux! Il est grand temps de moins s’occuper des statistiques et davantage des résultats sur les cas les plus graves, de réorienter les moyens de la police et de la gendarmerie sur ces enjeux. Il faut tout faire, en respectant nos valeurs, pour y arriver. J’insiste sur les valeurs parce qu’à partir du moment où on commence à faire croire que la fin justifie les moyens, on a déjà perdu par rapport à ceux qui justement au nom de l’amitié, de la vengeance d’un proche, ou d’une logique de groupe ne respecte plus rien d’autre.
Mais lutter contre la violence n’est pas seulement affaire de police, voir de justice. C’est tout un ensemble. Cela part de la transmission des valeurs et même de l’idéologie dominante : une économie ou tous les moyens sont bons pour gagner contre l’autre, où le résultat compte plus que les moyens et méthodes employés, où l’argent est plus important que l’humain, où l’individualisme est porté au pinacle, le collectif, l’intérêt général , la solidarité mis au rancart au nom de la modernité ne peut qu’engendrer de la violence. Il faut donc développer une autre idéologie. Il faut réfléchir aux fondements de l’éducation des enfants qu’on ne peut confier aux seuls parents et aux « curés et pasteurs » dont Nicolas Sarkozy disaient qu’ils avaient plus de légitimité que l’instituteur pour transmettre les valeurs ! L’éducation comme vecteur du savoir, de la connaissance qui est un formidable antidote contre la délinquance. On notera que la très, très grande majorité des personnes emprisonnées et condamnées a un très faible niveau scolaire. Mais l’éducation aussi comme source de socialisation et de formation du citoyen. Le civisme doit être réinventé. L’école, bien sûr a un rôle à jouer mais aussi l’éducation populaire, le temps des loisirs… Quand je pense au nombre croissant d’enfants qui ne partent pas en vacances qui restent, toujours dans leur quartier, souvent dans un petit appartement où ils ont peu de place pour jouer faire leur devoir, rêver, trouver leur intimité, je sais que nous renforçons les risques de violence !Je livre, en vrac, des champs d’action, des idées, mais il faudra organiser dans le pays, un vaste débat pour mobiliser largement la société, les pouvoirs publics, les collectivités locales, les associations, les bailleurs sociaux, les citoyens, définir des actions prioritaires, inscrites dans la durée et s’y tenir ! La tâche est gigantesque, mais raison de plus pour ne pas baisser les bras.
C’est une cause républicaine, mais j’ai la faiblesse de croire que la gauche peut mieux la défendre. Car elle ne retrouvera crédibilité qu’avec plus de justice sociale, une véritable inversion de priorité dans notre société, une alternative économique sociale et politique. La gauche doit être au rendez-vous et vite s’y préparer !