A l’annonce du nouveau gouvernement, les commentaires sont à l’unisson pour s’étonner de la fin de l’ouverture, du départ du centre et de prédire un inéluctable affaiblissement de Nicolas Sarkozy. Ce genre d’analyse amène même certains responsables socialistes à reprendre cette voie éculée de la main tendue aux centristes ! Il convient de mesurer un peu plus rigoureusement les choix du président de la République, candidat à son renouvellement, de ne pas sous estimer son sens tactique et d’observer plus en détail comment il tente de reconstruire un rapport de force favorable. Ne le sous estimons pas, même s’il est vrai que ce remaniement donne le sentiment d’une certaine bunkérisation du pouvoir en place et de l’UMP. Il corrige le tir. Cela sera-t-il suffisant ? Rien n’est moins sur tant les effets désastreux de sa politique percute notre modèle social et républicain. Rien n’est moins sur tant il n’offre aucune vision de l’avenir et de sortie de crise. Là est son talon d’Achille et absolument pas la page tournée de l’ouverture ou le départ des centristes, qui ne changent rien ! Nicolas Sarkozy rassemble la droite car il sait que sans ce socle rien n’est possible en 2012… la gauche ferait bien de son coté d’organiser son unité car c’est le camp le plus uni, le plus fort au premier tour qui entraine autour de lui au second, autour d’un projet, d’un espoir pour le pays ! C’est lui qui est victorieux.
Tous les calculs politiciens, les additions d’électorats, les supputations sondagières qui ne s’appuie pas sur cette règle politique simple. Alors disons le tout net : il n’y a pas eu d’ouverture et le départ des ministres du même nom ne change rien. Le centre est introuvable et n’est en rien central et décisif pour l’élection présidentielle !
1. IL était absurde, dés 2007 de parler d’ouverture, alors qu’il s’agissait purement de débauchages individuels sans conséquences politiques réelles pour enfumer les citoyens et affaiblir la gauche ! Il est vrai que l’attitude des ces ministres se prétendant de gauche a porté un réel discrédit sur le PS. Le but était atteint. Poursuivre dans cette voie n’apportait plus rien à Sarkozy. Au contraire. Car des dommages collatéraux se sont rapidement manifestés à droite. Les élections régionales ont été particulièrement frappantes de ce point de vue. Cette prétendue ouverture a entretenu pas mal de confusion et de brouillage dans l’électorat de droite qui attendait plus de cohérence et l’application des promesses présidentielles. L’attitude du président de la République, instable, brouillonne, son attrait pour le monde de l’argent et de la communication a rajouté à l’incompréhension.
L’ouverture, cela aurait signifié une pratique politique associant, les partenaires sociaux, les corps intermédiaires dans leur diversité et non pas passer systématiquement en force. C’est pourtant ce que Nicolas Sarkozy a fait sur la plupart des dossiers, excepté peut être lors de l’élaboration du grenelle de l’environnement. Mais dés qu’il s’est agit de passer à l’action, le virage écologiste et l’esprit de compromis qui avait prévalu en 2007 s’est très vite estompé. En fait, Nicolas Sarkozy a mis en place une politique de droite dure et les ministres dits d’ouverture l’ont cautionné sans de réelles réactions. La méthode, improprement qualifiée de volontarisme et qui relève plus d’un certain despotisme s’avère d’une inefficacité redoutable, avec une masse de décisions aussi absurdes les unes que les autres au point que très vite, elles doivent être abandonnées et remises en cause ! Loi TEPA (déduction des intérêts d’emprunts pour l’accession à la propriété) et bouclier fiscal, suppression de la publicité à la télévision, débat sur l’identité nationale la liste est longue !
En tout cas, aucun des ministres n’a imprimé la moindre influence, plus sociale, plus soucieuse des libertés publiques. Le plan « espoir banlieue » de Fadéla Amara est de la poudre aux yeux. Bernard Kouchner, lui-même très atlantiste, n’a pas su éviter la réintégration de la France dans le commandement intégré de l’OTAN ou accélérer une stratégie de retrait de l’Afghanistan. Inutile de commenter l’attitude de Besson ! Et le malheureux jean-marie Bockel a du se contenter de postes surtout honorifiques ! C’est aussi le cas des ministres qualifiés de centristes. Jean-Louis Borloo s’enorgueillit d’avoir créé l’Anru. C’était sous Chirac et amplifiait une politique déjà amorcée. Depuis l’arrivée de Sarkozy, les crédits d’Etat ont chuté. Le 1% a été siphonné, les moyens du logement social asséchés, les cadeaux fiscaux multipliés. 2 /3 de la production de logements est réservée au tiers le plus riche de la population et 1/3 correspond au besoin des deux tiers des français. Le ministre Borloo, chargé du logement n’a guère montré son sens du « social » !!!
Vraiment il faut s’affranchir des lieux communs, des discours convenus, des jeux de rôle, de l’artificiel d’une certaine communication pour s’attacher au fond des politiques proposées. Nous n’étions pas nombreux, en 2007, à dénoncer celles et ceux qui usurpaient l’image de gauche au service d’une mauvaise cause. On nous disant qu’il ne fallait pas les condamner car les sondages disaient l’accord voir l’enthousiasme des français. Il est vite retombé ! C’est tout juste si on n’était pas suspect de sectarisme à estimer que le clivage gauche-droite a toujours du sens aujourd’hui et que c’est plutôt sain en démocratie.
Dés mai 2007, je titrais sur ce blog un billet: La nomination de Bernard Kouchner et de Jean-Pierre Jouyet est la première grave erreur de Nicolas Sarkozy. J’annonçais l’insatisfaction à terme de son camp. On l’a très vite vu et aujourd’hui il en tire les conséquences. En juin 2007, j’écrivais : Derrière l’ouverture, la droitisation ! : « Lors du premier gouvernement d’ouverture, j’avais ironisé sur le fait que Kouchner, Jouyet avaient fait perdre Jospin et je prévoyais qu’ils feraient perdre Sarkozy. Je maintiens et je pense que cette ouverture est une dilution. Elle entretient la confusion. Tout cela nuit au volontarisme dont se targuait le candidat aux présidentielles. Seule l’action compte et c’est sur les faits que nous jugerons ce gouvernement. » Les faits ont tranché, les électeurs aussi !
Si j’insiste sur ce point, c’est que de bons esprits expliquent que la gauche devrait de façon symétrique jouer la carte de l’ouverture à droite et au centre ! J’observe que les gouvernements dit « d’ouverture » sont souvent suivis de lourdes défaites électorales. Et pour cause. Ce genre de raisonnement est en fait le signe d’une défiance structurelle en soi: son propre camp ne serait pas suffisamment légitime pour incarner l’intérêt général et pas suffisamment en dialogue avec la société pour agir en entrainant le plus grand nombre. Il faudrait des personnalités venues d’ailleurs, le plus souvent du camp opposé pour le faire. Comment imaginer que les citoyens aient confiance en des responsables, qui doutent d’eux même et de leurs soutiens ? C’est grotesque. La véritable ouverture est celle qui propose au pays des engagements clairs, s’attache à les mettre en œuvre en associant les forces vives, les corps intermédiaires. Il faut savoir à la fois porter ce qui rassemble au-delà des partages politiques, par exemple sur les valeurs de la république et ce qui doit faire alternative car une démocratie du « ni gauche ni droite » est vite dévitalisée faute de vrais choix. En cela la méthode politique a de l’importance et les choix institutionnels aussi.
2-En France Le centre est introuvable. Les vraies questions sont l’abstention et le rassemblement de chaque camp. Depuis que je milite, j’entends parler du rôle majeur du centre. Les médias répètent à l’envi : la présidentielle se gagne au centre. Ce fut le cas une fois avec Giscard ! Mais à part cela, tel ne fut jamais le cas ! Mitterrand en 81 était censé perdre car son alliance avec les communistes rendait impossible le ralliement du centre… Comme d’habitude 1/3 des électeurs centristes ont voté à gauche au 2eme tour et 2/3 à droite. En revanche les divisions Giscard/ Chirac furent fatal au sortant. En 1988, le tournant libéral engagé par Chirac et le retour à l’Etat RPR ont mobilisé la gauche et a entretenu une large abstention à droite. Il n’y a pas eu de mouvement réel « du centre » vers la gauche et le débauchage de ministres venus de la droite n’a rien amené à la gauche. Aux législatives de 1989, la gauche n’a bénéficié que d’une faible majorité parlementaire ; Elle a ensuite perdu la plupart des élections jusqu’en 1993 ! La principale raison fut une abstention massive dans les couches populaires, voir la tentation de certains électeurs vers le FN. La même thèse sur la victoire par le centre faisait dire aux commentateurs avisés et aux sondages que Balladur allait gagner en 1995. On a vu ! En 2002, les conseillers en communications de Lionel Jospin tous tournés vers le ralliement du centre au second tour ont purement et simplement oublié le premier et avec eux les électeurs qui espéraient un programme « socialiste ». No comment sur 2002, où les appels au centre se sont avérés contre productifs… Alors tous les analyses sur les redoutables conséquences pour le chef de l’état du départ des leaders du centre du gouvernement sont pour le moins exagérés. Et rien ne serait plus stupide pour la gauche que de faire des ronds de jambe à ces personnalités, divisées, très tournées vers leur égo et qui n’ont manifesté aucune vision plus sociale que les autres dans leur action gouvernementale. François Bayrou décrit assez bien la situation en parlant de panier de crabes. Nul doute que sa colère rentrée, Jean-louis Borloo cherchera à capter une partie de l’électorat déçu de Sarkozy et quelques écologistes de droite pour au second tour rejoindre leur famille politique. Peut être, si la gauche et les verts, Europe Ecologie, sont capable de s’unir et de créer une dynamique nouvelle, voleront-ils au secours de la victoire. Car le centre va souvent dans le sens du vent! Alors occupons nous plutôt de provoquer le vent, le souffle et non pas du centre !
Ne tardons plus, prenons une initiative majeure pour le rassemblement de la gauche et des écologistes. Construisons ensemble une plateforme pour le changement en associant la gauche syndicale, associative, les citoyens engagés.