Interview de MN LIENEMANN par l'agence de presse AULH info du 14/03/2011 Marie-Noëlle Lienemann, présidente de la FNSCHLM D.R.
« Les mesures annoncées par Benoist Apparu [secrétaire d'État au Logement] pour réguler les prix des loyers sont totalement homéopathiques puisqu'elles se limitent aux chambres de bonnes. Il faut une vraie régulation de l'immobilier, un dispositif global à même de stopper les dérapages, par un encadrement de tous les loyers, des prêts eux-mêmes et des mesures fiscales », estime Marie-Noëlle Lienemann. La présidente de la FNSCHLM (Fédération nationale des sociétés coopératives d'HLM) et ancienne ministre (PS) du Logement estime, qu'en la matière, « la gauche a des propositions à faire ». Si certaines pistes ont déjà été évoquées par le Parti socialiste dans le cadre de sa convention pour « l'égalité réelle » de novembre 2010 (AULH n°3001) ou plus récemment, le 17 février, dans son « appel pour une autre politique du logement » (AULH n°3856), certaines mesures sont encore ouvertes au débat en vue du futur programme pour la campagne présidentielle, indique-t-elle à AULH. « C'est un sujet sur lequel on peut rassembler toute la gauche », assure Marie-Noëlle Lienemann qui regrette que « tout le monde parle de régulation économique sans jamais poser la question des prix immobilier ». Or, « on ne peut plus laisser les gens s'endetter comme aujourd'hui ».
Les prix actuels de l'immobilier « sont un handicap économique, social et républicain » en ce qu'ils « favorisent la rente foncière plutôt que de permettre aux personnes d'être mieux logées », pénalisent les « catégories sociales les plus basses » et « accroissent la ségrégation urbaine ». Dès lors, estime Marie-Noëlle Lienemann, ils portent atteinte « à la mixité sociale qui est un fondement de la République ».
Premier axe d'intervention selon elle : les loyers, qui conditionnent pour une part les prix de l'immobilier. Elle appelle donc à les encadrer pour « éviter les dérapages » reconnaissant que l'IRL (indice de référence des loyers) est un « élément de pause » dans le parc mais qu'il manque un dispositif pour les « loyers à la relocation ». Elle précise à ce sujet, qu'une telle mesure n'est « pas nécessaire partout ». Elle concernerait surtout les « grandes agglomérations ». Et ça n'empêche pas une hausse des loyers si elle est légitimée par des travaux d'économie d'énergie ou d'amélioration du confort, fait valoir Marie-Noëlle Lienemann, favorable à des « dispositif incitatifs » en la matière.
ENCADRER LES DURÉES DES PRÊTS
« Il faut réfléchir à une régulation de la durée des prêts, en fonction de la nature du bien », plaide-t-elle par ailleurs, fustigeant la possibilité donnée à des couples de s'endetter sur 25 ans pour acheter un studio ou un F2. « Quand ils revendent, parce que la famille s'agrandit, ils n'ont remboursé que les intérêts. Il y a un problème dans le système. » Elle dénonce donc le rôle des banques qui ont « allongé la durée des prêts pour solvabiliser artificiellement les emprunteurs et ainsi accompagner les hausses excessives du marché ». « Alors qu'on cherche à résorber le déficit public, on accepte un accroissement de la dette privée. Il est temps d'arrêter cette spirale. »
Marie-Noëlle Lienemann conteste l'idée qu'un telle mesure viendrait freiner l'accès à la propriété : « l'accession sociale est en chute libre depuis plusieurs années ; les plus bas déciles n'y ont plus accès et le PTZ+, qui n'est pas assez ciblé, n'est pas suffisant pour inverser la tendance. On est en train de favoriser les héritiers, il faut une autre politique. »
Appelant à mettre fin aux dispositifs type Scellier ou Robien, « qui ne font que stimuler la hausse des prix », elle veut « imposer aux investisseurs institutionnels une part obligatoire de logement intermédiaire dans leur patrimoine ». Cela passerait d'abord par la négociation, précise-t-elle. « Le secrétaire d'État au Logement a dit à plusieurs reprises qu'il veut faire revenir les investisseurs institutionnels [dans le logement] mais ne précise pas comment. Il faut les mettre au pied du mur. »
FISCALITÉ
L'ancienne ministre préconise en outre de « rendre progressif voire confiscatoire l'imposition sur les plus-values immobilières ». Autre mesure « plus structurelle » : réviser la base de calcul de l'impôt foncier qui ne reposerait plus sur une valeur cadastrale mais sur la valeur vénale du bien. En cas de vente pour un prix supérieur à cette valeur, le propriétaire serait redevable d'un « rattrapage » fiscal mais pourrait bénéficier, en cas de vente en-deçà, d'un crédit d'impôt. « L'intérêt serait de lutter contre un sur-affichage des biens », estime Marie-Noëlle Lienemann qui évoque un « cercle vertueux ». Elle fait aussi sienne « l'idée de l'économiste Thomas Piketty » de pouvoir intégrer un loyer fictif dans l’impôt sur le revenu des propriétaires et alors de retrancher de l'impôt les intérêts d'emprunt pour « plus de justice ». Sur ce point, un débat est à ouvrir « mais il n'y a pas d'urgence », assure-t-elle.
Elle appelle enfin à une loi foncière qui « redonne à la puissance publique des droits et des moyens d'intervention ». Dans ce cadre, il faudrait selon elle poser la question de la répartition des droits de mutation qui « repartent à la hausse » et sont aujourd'hui « inégalement répartis ». Elle préconise qu'ils soient versés pour partie aux EPF régionaux ou locaux en vue de constituer des réserves foncières pour du logement social et intermédiaire.