Intervention de Marie-Noëlle Lienemann au Conseil national du PS
9 Avril 2011
Chers camarades,
Le changement ! L’objectif de notre projet est bien là. Il doit permettre la victoire pour le changement. La victoire passe nécessairement par rassemblement des forces de gauche et écologistes. Nos propositions doivent s’inscrire dans la recherche d’un socle commun programmatique avec nos partenaires. Je crois, que pour l’essentiel, elles constituent une bonne base de départ pour cet objectif. Les dernières élections montrent que la gauche, le PS doivent convaincre notre peuple et les couches populaires, qui, il faut bien le reconnaitre, peuvent se laisser tenter par l’abstention ou même par l’extrême droite. Il faut des engagements concrets qui répondent à leurs attentes et améliorent réellement leurs conditions de vie. Le document d’aujourd’hui ne se contente pas de vagues intentions et liste des mesures qui y répondent. Mais la crise politique profonde qui touche notre pays et qui vient en écho à la crise sociale et économique a des racines profondes. La politique de Nicolas Sarkozy l’a terriblement accrue. Ce qui est en cause est notre modèle républicain. La France n’a pas de problème d’identité nationale, elle a un problème de projet collectif. Là est bien l’un des enjeux majeurs de 2012 : d’une part redonner, aux français, confiance en eux, en l’avenir de la France et de leurs enfants, d’autre part les mobiliser autour de perspectives nouvelles, de changements profonds, de progrès nouveaux. La gauche et les écologistes doivent proposer à nos concitoyens de reprendre le chemin de l’épopée Républicaine, de l’accomplissement de l’idéal de notre république. Ils sont les seuls à pouvoir incarner cette perspective car la dimension sociale est devenue majeure et parce que le quinquennat de Nicolas Sarkozy, aura marqué, a cet égard, une terrible régression. Donner force, en ce début de 21ème siècle à la promesse à républicaine est une des tâches majeures de la gauche française. Nous voyons à travers les mouvements des peuples dans le monde comme celle-ci reste vive et actuelle et émancipatrice.
Notre pays a été percuté par le libéralisme qui contestait l’Etat et l’intervention publique, niait l’égalité, réduisait la liberté au libre-échange, préférait la concurrence à la fraternité. La crise financière a révélé les dangers de ce système et nous devons ouvrir un nouveau cycle. Pourtant rien n’est joué car à peine, l’orage bancaire éloigné, les grandes puissances financières reprennent leur pouvoir et leurs dérives. Le capitalisme financier transnational redresse la tête. Disons-le tout net, une victoire de la gauche en France doit proposer une autre voie. D’autant que cette crise est loin d’être achevée.
La République c’est avancer vers l’égalité réelle. Nous faisons dans notre projet de la lutte contre les inégalités un axe majeur de notre politique.la question salariale est majeure en particulier pour regagner du terrain dans la part de la valeur ajoutée qui y est consacrée que par la lutte contre la précarité et la multiplication des travailleurs pauvres. La revalorisation du Smic et la conférence salariale sont de bons points d’appui. Mesurons que nous serons attendus sur ces sujets cruciaux et sur des résultats tangibles.
La République est fondée sur l’intérêt général, sur un Etat et des collectivités publiques qui l’incarne et l’inscrit dans le long terme. Il nous faut réarmer l’Etat, redonner ses lettre de noblesses à l’action publique, restaurer des services publics de qualité. La création d’une banque publique d’investissement est un signal important et un véritable changement de cap, mais je crois utile d’assumer plus clairement encore la nécessité de réintroduire du capital publique dans certains secteurs industriels pour éviter les délocalisations ou soutenir des filières d’avenir. J’aurais aimé qu’on soit un peu plus précis sur le contrôle public du secteur nucléaire, qui est bien dans le projet, en indiquant que progressivement, nous irions vers EDF 100% public ! Mais le débat continue. Le temps des privatisations semble bien révolu !
Nous gagnerions à insister sur la défense et le développement des services publics en mettant en valeur plusieurs propositions de la version longue. Je pense à la restauration du statut d’établissement public de la Poste ou du bouclier territorial qui organise une présence garantie des services publics dans nos villes et campagnes. Il faudra à l’évidence créer des postes à l’éducation Nationale et dans les hôpitaux, en plus des postes de policiers, de magistrats et abandonner cette règle absurde du non remplacement d’un fonctionnaire sur deux.
Une partie du doute qui saisit nos concitoyens est lié à la mondialisation actuelle et à l’état de la construction européenne. C’est sur ce dernier point que je voudrais insister. La commission des résolutions d’hier a amélioré le texte initial, mais je crois qu’ensemble, après le débat dans les fédérations nous pourrons, peut-être, aller plus loin dans deux directions :
La réorientation des politiques monétaires et des missions et objectifs de la BCE : la crise monétaire en Europe est encore devant nous et les mesures prises ne sont pas à la hauteur de la gravité de la situation. Sans compter que les plans dit « de compétitivité » qui sont en fait de pure austérité sont une catastrophe doivent être combattus avec la plus grande vigueur. Une politique de croissance durable passe à l’évidence par une réorientation de la politique monétaire et du cadre macro- économique. La BCE ne peut continuer à agir sur la base d’un mandat qui n’impose ni l’objectif de la croissance et de l’emploi. Les politiques de taux d’intérêt ne sauraient les placer à un niveau supérieur à l’évolution du PIB, le rachat des dettes souveraines doit pouvoir être engagé par la BCE. Les bases du pacte de stabilité doivent être renégociées, en particulier pour sortir des critères de déficit publics et d’endettement les investissements d’avenir, mais aussi régulièrement réévalués par les responsables politiques. Certaines formules du texte vont dans ce sens. Mais de mon point de vue une plus grande détermination à changer s’impose, d’autant que si nous devons dépasser le clivage entre le Oui et le Non lors du référendum sur le projet de constitution, n’oublions pas le sens du NON, et du NON massif de nos électeurs et du monde du travail.
On ne pourra pas changer l’Europe sans redonner aux peuples davantage de capacité d’intervention et singulièrement à notre peuple. Alors je fais une proposition qui je l’espère sera débattue d’ici notre convention de fin mai. Nous parlons, à juste titre, du renforcement de la dynamique franco-allemande. Elle suppose, en réalité, un équilibre politique entre nos deux pays et une adhésion profonde des citoyens. Je suggère donc que nous dotions le Parlement français, des mêmes prérogatives dans la préparation des décisions européennes que ses homologues allemands. La cour constitutionnelle de Karlsruhe a récemment rappelé que bon nombre de législations européennes et l’engagement de l’exécutif allemand dans des décisions communautaires exigeaient des délibérations des assemblées législatives. Ce n’est plus le cas en France. Il convient de doter, en cette période de doute européen, le parlement français de pouvoirs similaires. Dans la réforme constitutionnelle que nous engagerons pour démocratiser notre république, il nous faudrait inclure une modification du titre XV de la constitution française. La dissymétrie démocratique actuelle est défavorable à la France et donne au gouvernement allemand des armes redoutables : regardons son refus de créer un fond de solidarité pour les dettes des pays européens sans que le Bundestag n’ait délibérer et sa façon de faire ainsi pression sur les autres pour faire prévaloir sa conception économique. Je ne suggère pas que notre pays le fasse sur ces thèmes là, mais nous nous doterions ainsi d’un nouveau rapport de force permettant de faire entrer réellement dans les faits nos propositions pour changer d’Europe. Car craignons que sans cela, nos concitoyens estiment que ces perspectives resteront des vœux pieux ! Cette méthode ne peut guère être suspecte d’être anti européenne. Nos amis allemands y ont recours et nul ne les met en cause sur ce point !
Martine Aubry a bien fixé nos échéances : arrêter notre projet, celui des socialistes, engager le rassemblement de la gauche et des écologistes et à l’évidence travailler à la formulation d’un socle programmatique commun. Nous avons bien avancé sur le projet , le temps presse pour le rassemblement.