Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'affaire dont nous traitons aujourd'hui est extrêmement importante.
Les licenciements boursiers concernent non seulement les salariés qui en sont victimes, mais aussi l'avenir du pays et de son industrie. Les chiffres ont été donnés : la France a perdu 700 000 emplois industriels en dix ans. Cette situation n'est pas tombée du ciel. Elle est, pour une large part, liée aux délocalisations que le Gouvernement a laissé faire, sans intervenir ni donner les moyens à la puissance publique ou aux salariés de pouvoir réellement résister.
Je dois d'ailleurs dire que votre discours, monsieur le ministre, sur la non-compétitivité de la France est quelque peu pousse-au-crime. Si le gouvernement de la France déclare que le pays n'est pas compétitif et que les coûts sont trop élevés, il justifie l'injustifiable !
Il faudrait mener une stratégie à la fois offensive, qui vise à réinvestir massivement dans la recherche et l'innovation pour créer des emplois et de nouvelles filières industrielles, et défensive, tendant à rendre beaucoup plus coûteux tous les licenciements économiques, à obliger au remboursement strict de toutes les aides publiques et à donner aux salariés de vrais pouvoirs pour s'opposer aux licenciements boursiers injustifiés économiquement. Or vous ne faites rien. Pire encore, vous justifiez qu'on ne peut rien faire !
Le texte dont nous débattons aujourd'hui est extrêmement important, car il représente une rupture avec la logique de la fatalité. Il est proposé de réaffirmer que les aides publiques doivent être strictement remboursées, ce qui est important, mais insuffisant.
Ces remboursements sont nécessaires, mais nous sommes confrontés à un problème de définition, car le droit européen interdit les aides publiques. Ainsi, les allégements de cotisations sociales ne sont pas considérés comme des aides publiques. Dès lors, le « remboursement des aides publiques », pour utile qu'il soit, n'est pas suffisant.
Par conséquent, il est fondamental d'accorder de nouveaux droits aux salariés, ce qui peut prendre plusieurs formes. La présente proposition de loi crée un premier recours utile, en permettant aux salariés de saisir l'inspection du travail pour contrôler si le licenciement économique est oui ou non fondé. C'est une avancée majeure de notre droit.
Pour ma part, je trouverais utile de prévoir une deuxième étape : la possibilité de saisir le juge en référé pour se prononcer sur l'absence de motif du licenciement. Quoi qu'il soit, la possibilité de saisir l'inspection du travail est déjà très utile et peut se révéler efficace. En effet, on constate une évolution de la jurisprudence. Deux cours d'appel viennent ainsi d'annuler des licenciements infondés économiquement !
Simplement, l'annulation d'un plan social par un tribunal pour motif juridique n'est pas une garantie de sauvegarde de l'emploi. Une fois que le juge s'est prononcé, il peut quand même y avoir un nouveau plan social, mais cette fois dans des formes légales, avec des licenciements effectifs.
De même, des plans sociaux sont annulés pour cause d'absence de concertation ou d'insuffisance des indemnités versées aux salariés. Là encore, cela permet d'éviter que les personnes licenciées ne soient trop maltraitées, mais cela ne sauvegarde pas l'activité industrielle et l'emploi. Avec la nouvelle jurisprudence, des licenciements infondés économiquement et juridiquement peuvent être annulés. Mais, dans la mesure où la Cour de cassation ne s'est pas encore prononcée, il importe de consolider une telle jurisprudence dans la loi !
C'est pourquoi il faut offrir aux salariés la possibilité, d'abord, de saisir l'inspection du travail pour constater l'absence de justification économique sérieuse d'un licenciement et, ensuite, d'aller en référé pour empêcher la fermeture ou le départ de l'entreprise.
Par ailleurs, le facteur temps est essentiel : des entreprises – il y a beaucoup d'exemples – ont été condamnées pour licenciement abusif alors qu'elles étaient déjà fermées et que les salariés n'étaient plus là. Non seulement les personnes concernées n'ont pas pu faire valoir leurs droits mais en plus, et j'insiste sur ce point, notre pays connaît une hémorragie industrielle dramatique pour son avenir.
Monsieur le ministre, vous nous parlez de « compétitivité française » et de « valeur travail ». En fait, vous n'avez que le mot « valeur » à la bouche. Pas le « travail » ! Valoriser le travail, c'est permettre aux travailleurs d'être dignement traités ! C'est leur reconnaître de vrais droits ! C'est faire en sorte que l'emploi reste en France !
Comme l'indique Mme Isabelle de Kerviler dans un rapport adopté à l'unanimité par le Conseil économique, social et environnemental, l'un des gros problèmes de notre pays est le fait que la richesse soit captée par les dividendes: nous avons le record des dividendes distribués ! Et c'est dans notre pays que la richesse créée est la moins réinvestie dans la modernisation de l'outil de production des entreprises !
La valeur travail, c'est faire en sorte que les salariés aient des droits et que la richesse soit répartie équitablement. Monsieur le ministre, au lieu de nous parler de la valeur travail, faites donc votre travail : créez des emplois et défendez les salariés de ce pays ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)