Au nom de la libre concurrence, l’union Européenne veut obliger la France à remettre en cause le système de collecte du livret A autour de deux opérateurs spécialisés : le poste et les caisses d’épargne. L’argument apparent est de dire : toutes les banques doivent pouvoir y accéder et il ne doit pas y avoir d’organismes « privilégiés ». C’est une grave erreur. Pourquoi ?
Dans les livrets A, certains sont bien remplis,-et sur ces comptes, les mouvements sont rares-, ils rapportent correctement aux opérateurs. Mais il y a aussi une foule de très « petits » livrets, qui servent à des foyers modestes (anniversaires, fin des mois difficiles, etc..) et là les mouvements sont fréquents, ils rapportent peu, voir coûtent aux gestionnaires. C’est la complémentarité des deux qui permet de viabiliser le système et qui garantit le maintien de points bancaires dans certains secteurs peu attractifs. La concurrence ouvrirait la possibilité aux gros réseaux bancaires de capter la clientèle « attractive », car déjà titulaires de comptes chez eux, menaçant la capacité des autres à garantir une collecte de proximité. Bilan des courses, moins de collecte du livret A -donc moins de ressources pour financer le logement social-, difficultés pour les personnes âgées, les secteurs ruraux et les populations modestes.
Il faut savoir que l’argent des livrets A est centralisé à la Caisse des Dépôts et Consignations, puis prêté aux organismes HLM pour réaliser des logements sociaux. Moins d’argent collecté sur ces livrets, moins de financements pour les HLM. Or nous avons impérativement besoin de construire des logements locatifs sociaux. Et à certaines périodes, quand le livret A devenait moins rémunéré que les placements monétaires, le livret A, lui-même, a connu une certaine décollecte. Mais sur la longue durée, ce système a fait ses preuves : il y a toujours eu assez d’argent pour financer les logements programmés par l’Etat (et c’est sur les choix de l’Etat, souvent insuffisants, qu’il faut porter les critiques sur le nombre réalisé, car le livret A permet et permettait d’en faire davantage), en 190 ans, aucun français n’a été spolié par le livret A et n’a vu son épargne menacée….Ce n’est pas le cas de tous les placements.
Jusqu’à présent officiellement le gouvernement français se disait prêt à résister farouchement aux attaques de la commission européenne. Mais le très libéral sénateur Marini, grand admirateur des modèles anglo-saxon dans l’immobilier (il a été à l’origine de toutes les décisions fiscales en faveur des foncières cotées, ou sur les hypothèques rechargeables), a repris l’argument répété dans les couloirs de Bercy. « Ce n’est pas grave, si toutes les banques collectent le livret A, l’argent remontera quand même à la CDC et le logement social pourra être financé… ». C’est mal connaître les banques, qui une fois qu’elles auront capté la « clientèle » du livret A, lui proposeront leurs propres placements supposés plus rentables (au moins à court terme) plutôt que de renvoyer ces sommes à la Caisse des dépôts.. Et on constatera petit à petit la décollecte du livret A.
L’avenir de la CDC sera lui aussi menacé. Les libéraux seront arrivés à leur fin : banaliser tous les circuits financiers au profit du privé, banaliser le financement du logement social avant de banaliser tous les acteurs de l’immobilier et de l’Habitat. On imagine les conséquences pour le droit au logement et pour leurs prix (loyers et achats !).
Nous devons faire pression sur le président de la république, le gouvernement pour qu’il tienne bon à Bruxelles et refuse la banalisation du livret A.