Cette tribune de Marie-Noëlle Lienemann et Paul Quilès a été publiée dans l'Humanité du 22 mars 2011,
Il y n’y a pas si longtemps, l’alliance au centre obsédait bien des prétendants à la Présidence de la République. Il a fallu l’effondrement du Modem pour que les esprits reviennent aux réalités. Que de temps perdu ! Que de flottements stratégiques !
Tout aurait changé avec les récents sondages plaçant Marine le Pen au second tour de la présidentielle. Le risque était, hélas, prévisible et sa montée perceptible sur le terrain depuis pas mal de temps. Une analyse rationnelle de la situation aurait dû amener à juger prioritaire le rassemblement de la gauche et des écologistes, sans lequel aucune victoire de la gauche, aucune avancée sociale majeure ne pourront être acquises dans notre pays et aucun recul de Marine le Pen ne s’opérera durablement.
La confusion idéologique, les petits jeux tactiques, les formules creuses, l’ambiguïté des postures entretiennent la désespérance et sont autant de handicaps pour une victoire de la gauche en 2012. Il faut en sortir vite et redonner du sens à la politique. Redonner du sens aux mots, aux valeurs que nous défendons, à la stratégie que nous devons mettre en œuvre, au projet que nous voulons promouvoir, aux propositions que nous soutenons.
Pour répondre aux questions cruciales d’aujourd’hui, commençons par assumer un choix stratégique, celui du rassemblement des forces de gauche et écologistes. Les vagues intentions et les incantations sur l’union, sans méthode pour y parvenir, ne sont plus de mise, parce qu’elles cachent trop souvent une véritable réticence à affronter les difficultés et les exigences de l’exercice.
La méthode et la chronologie du rassemblement
Certains prônent désormais une candidature unique de la gauche et des écologistes. Pourquoi pas, si cette perspective est, non le début, mais l’aboutissement d’un processus ? Sinon, elle pourrait avoir exactement l’effet contraire, à savoir rendre plus difficile le rassemblement.
En effet, pour réussir l’union, il faut suivre une méthode et une chronologie respectant la diversité, la spécificité, l’autonomie de chaque force politique, en évitant toute démarche qui serait vécue comme une volonté hégémonique au nom du vote utile ou de la menace de l’extrême droite.
C’est pourquoi l’idée d’un « contrat de rassemblement de la gauche» est la première pierre qu’il faut poser. Dans ce contrat, les principaux partis doivent réaffirmer ensemble leur choix stratégique unitaire et annoncer publiquement les différentes étapes : accord sur le principe du contrat, accord sur la méthode, discussion et accord sur les points de convergence -qui formeront le «socle» du rassemblement-, tout en précisant clairement les nuances et les désaccords, discussion d’un programme de gouvernement, accord législatif.
Les Français veulent savoir clairement quels engagements communs seront assumés par toute la gauche et les écologistes. Ils veulent être sûrs que ceux-ci porteront effectivement une ambition de transformation sociale, répondront à leurs attentes prioritaires, ainsi qu’aux défis écologiques. Plus que l’exacerbation des divergences, ils attendent une synthèse solide, cohérente et ambitieuse, entre toutes les forces progressistes.
Le « socle » constituera la base de l’accord qui permettra une juste représentation de chaque formation au sein de la future Assemblée Nationale, car aucun parti ne peut prétendre à lui seul incarner la majorité. L’élection du Président de la République au suffrage universel ne doit pas créer l’illusion qu’un ou une candidat(e) peut passer outre cette exigence et imaginer représenter toute la gauche et l’écologie sans porter un projet commun, sans être garant de cette union.
Il reviendra à chaque parti d’évaluer s’il souhaite aller au bout d’une candidature à l’élection présidentielle ou favoriser une candidature de large rassemblement. Cette seconde hypothèse, qui pourrait se révéler nécessaire si la montée du Front national n’était pas conjurée, n’a aucune chance de se réaliser sans ce contrat et un accord à visée programmatique et législative. Il doit donc être réalisé avant la désignation des candidats et d’éventuelles primaires.
L’urgence d’une initiative fondatrice
La gauche et les écologistes ne doivent plus perdre de temps, ne pas s’égarer dans des préoccupations subalternes, dans des changements permanents de posture. A cet égard, la frénésie soudaine contre les primaires a de quoi surprendre lorsqu’elle vient de ceux-là même qui, il y a moins d’un an, les approuvaient par leur vote au sein des instances du PS, au mieux sans rien dire, parfois en s’en faisant les défenseurs zélés. Nous aurions aimé les entendre au moment décisif des choix, lors de la consultation des militants socialistes, alors que nous ne fûmes que trois membres du Conseil national du PS à nous y opposer. Nous refusions le cadre socialo-socialiste des primaires et n’envisagions cette procédure qu’à l’issue d’un processus de rassemblement de la gauche.
C’est ce processus qu’il faut engager dès après les élections cantonales. Martine Aubry a manifesté cette intention, les positions de Cécile Duflot semblent aller dans le même sens. Au sein du Parti Communiste, comme sans doute au MRC et au PRG, la volonté de débattre sur le fond, de clarifier les points de vue, le souci d’unité sont certainement majoritaires. En tout cas, le peuple de gauche le demande. Nous appelons donc les responsables de tous les partis et mouvements des forces de gauche à passer à l’acte, à se rencontrer rapidement et à oser l’indispensable : la préparation d’un « contrat de rassemblement de la gauche ».