Martine Aubry a eu raison d’organiser cette rencontre avec Pierre Laurent secrétaire nationale du PC et Cécile Duflot la présidente des verts Europe écologie dès dimanche soir pour montrer sa totale détermination à réussir le rassemblement des forces de gauche et écologistes. L’originalité de la date choisie montrait l’urgence de la situation : l’abstention, le vote important en faveur de l’extrême droite, les difficultés sociales, le découragement voire la colère de nos concitoyens ne laissent pas de place à l’autosatisfaction des uns ou des autres. Ils exigent l’efficacité pour affaiblir de façon décisive la droite et empêcher l’élection de conseillers généraux FN, mais aussi la préparation immédiate d’ une nouvelle donne politique à gauche fondée sur le rassemblement Rouge rose vert, un socle commun en vue d’un accord législatif et programmatique, le respect des différences, de la place de chacun dans une dynamique collective gagnante.
On a présenté la rencontre de dimanche comme une réaction face à la montée de Marine Le Pen. La menace de l’extrême droite a toujours été, en France, un catalyseur à l’unité. Il suffit de se souvenir des conditions de formation du Front Populaire. Mais ce serait une erreur d’imaginer qu’il ne s’agit que d’un « sauve qui peut ». D’ailleurs les scores de la gauche, dimanche soir, étaient positifs, ne portaient aucune menace particulière pour sa représentation, bien au contraire. Non cette initiative manifestait une volonté, un choix stratégique essentiel. En effet, cette réaction s’imposait et permettait, de surcroit, d’éviter les exercices d’autocongratulations réciproques, les discours maintes fois entendus, une forme d’hermétisme du monde politique face au malaise des français.
En réalité Martine Aubry avait depuis plusieurs mois et plusieurs semaines - avant même les sondages sur Marine Le Pen- lancé un appel à ses partenaires en vue d’un contrat de rassemblement de la gauche en vue de 2012 comme pour faire face aux échéances actuelles. Elle a poursuivi sans défaillir ce cap et la fin du communiqué publié aujourd’hui montre clairement ces intentions :
« Au-delà, nous savons que notre responsabilité est de construire une politique alternative globale et cohérente à la politique de la droite pour porter l’espoir d’une alternance politique en 2012. »
La première question politique qui se pose à la gauche est bel et bien celle de l’abstention qui certes fut particulièrement significative à droite mais qui touche toujours autant si ce n’est plus les quartiers populaires, les secteurs péri urbains et ruraux où vivent de plus en plus d’ouvriers et d’employés.
La preuve est faite désormais que les divisions personnelles au sein du PS, comme les postures de différenciations trop fortes entre partis de gauche et écologistes ne donnent pas envie aux électeurs de voter, ni ne les convainc, en dépit d’une offre variée, de pouvoir ainsi être mieux représentés. Les classes populaires ont besoin d’un front uni cohérent qui porte une alternative commune la plus ambitieuses possible, capable de leur offrir des avancées réelles rapides pour mieux vivre et des perspective d’avenir pour leurs enfants. Ils participeront alors seulement à des arbitrages sur la priorité des choix, l’ampleur des changements souhaités ou possibles. Ils ne le feront qu’à condition que l’essentiel soit acquis: la force- l’union fait la force- pour pouvoir gagner, la solidité des changements proposés – on ne peut pas se contenter de la rigueur budgétaires et quelques aumônes sociales-, le sens de l’intérêt général – à gauche, nulle hégémonie, nulle entreprise de démolition de l’autre-, la clarté- elle n’est acquise que lorsque les engagements sont écrits et assumés ensemble-.
Il y a donc urgence à se réunir pour élaborer une base programmatique commune, acter les convergences en allant le plus loin possible, éclairer les divergences car nos concitoyens savent bien que nous sommes différents.
La deuxième question est celle de la montée de Marine le Pen : Le score de Marine Le Pen est d’abord lié à la faiblesse de la participation, elle n’a pas gagné de voix – heureusement- . En revanche et c’est très inquiétant, les thèses qu’elle défend, sont de plus en plus revendiquées publiquement par des pans importants de la société française. L’UMP et Sarkozy contribuent à les banaliser. Il faut opposer un rapport de force visible que l’émiettement rend impossible et s’attaquer à ce qui, dans les milieux modestes, peut détourner les électeurs : les délocalisations, le pouvoir d’achat, l’emploi, la qualité de l’éducation pour tous, la sécurité. Inutile d’aller flirter sur le sujet de l’immigration de l’Islam. Non le Front National ne pose pas de bonnes questions. Il détourne des vraies questions. En revanche il faut y présenter de bonnes solutions. On en revient toujours à l’exigence de contrat de rassemblement qui réponde aux attentes du monde du travail.
La porosité entre la droite et l’extrême droite est une tentation récurrente en période de crise, elle s’est installée déjà en Italie, en Autriche et ailleurs en Europe. Et le passage de témoin du Père à la fille va servir d’alibi pour faire croire que ce parti et sa présidente serait désormais plus fréquentable. Il ne faut pas lâcher l’UMP sur cette trahison et cette transgression républicaine.
Elle paiera un jour ou l’autre son ambiguïté d’aujourd’hui, mais en jouant avec le feu, elle fait peser des risques importants pour notre démocratie. Mais pour autant, il ne faut pas se laisser enfermer dans un débat autour du FN. C’est la politique de la droite qui est en cause, au niveau national, européen et le néolibéralisme au niveau mondial. Il faut aussi se garder de s’installer dans une situation où l’on espèrerait asseoir notre victoire sur des duels avec le FN ou même des triangulaires. C’est très aléatoire pour l’avenir et totalement inopérant pour les présidentielles ! C’est la capacité de la gauche à devenir majoritaire qui est nécessaire et aucun détour ne nous dispensera de cette exigence de conquête. D’ailleurs le score d’hier affleure les 50% pour la gauche. Toutefois nous savons qu’un scrutin local avec un fort taux d’abstention n’est pas automatiquement transposable à une autre élection.
La troisième leçon du scrutin est certes la sanction de la politique de Nicolas Sarkozy -qui ne nous étonne pas- mais aussi l’effondrement du centre, qui n’apparait en rien comme une alternative. Ne l’oublions pas demain, lorsque les commentateurs reprendront leur litanie sur « une présidentielle se gagne au centre ». Ils cherchent systématiquement à nous présenter ce centre introuvable comme la clef de tout scrutin présidentiel. Ce qui au passage, sauf une fois avec Giscard – et dans des conditions très particulières- n’a jamais été le cas. Hier encore c’était le Modem qui captait tous les regards. Plus récemment, Jean-Louis Borloo était l’homme de la situation. Aujourd’hui, les médias valorisent les candidats qui seraient «capables » de rallier le centre, nous les présentant comme de sauveurs garantis ! Une illusion chronique, récurrente toujours vouée à l’échec. Mais la situation actuelle explique , plus encore aujourd’hui, la faiblesse du centre : face à la dureté des temps, aux disfonctionnement profond du système économique, social, financier et politique , chez nous et dans le monde, les français sont conscients qu’il faut des transformations profondes qu’une posture du ni gauche ni droite ne peut incarner. D’ailleurs le PS devrait bien en mesurer la nécessité et l’assumer plus clairement.
Quatrième constatation : aucun parti à gauche ne peut gagner seul, aucune force de gauche ou écologiqste ne saurait être négligée. Le rassemblement doit respecter chacun. Certains ont imaginé, au PS, que ce parti serait capable d’imposer une hégémonie politique réduisant ses alliés à un rôle second. D’autres ont cru que l’alliance avec les écologistes suffirait, imaginant un déclin inéluctable du Parti communiste et d’une gauche radicale. Ils se sont trompé et ne nous trompons pas avec eux. Le PC existe encore dans de nombreux territoires, il constitue une forme de culture politique qui n’a pas disparue et en tout cas que le PS n’a pas su représenter. La pensée écologiste constitue un pôle nouveau dans la contestation du système et dans la construction d’une alternative. De même, le parti radical de gauche apporte une tradition radicale socialiste à la gauche et le mouvement des citoyens de Jean-Pierre Chevènement propose des analyses, une pensée, parfois une vision différente, qui sont autant de contributions utiles. Aussi, le rassemblement ne doit pas oublier le PRG, LE MRC et le PG. Car il faut espérer que Jean-Luc Mélenchon mette davantage son talent à affirmer une ligne et des propositions offensives dans un cadre unitaire plutôt qu’à disqualifier le PS.
C’est bien le Rassemblement de toute la gauche, la préparation commune d’une alternative politique qui est notre tâche historique. Un cycle doit s’achever : l’affirmation des égos plutôt que la recherche d’un projet commun, la disqualification de l’autre plutôt que le débat au fond, le pari sur un( e) candidat ( e) providentiel plutôt que la construction d’un rassemblement, le people plutôt que le débat de fond, des solutions tièdes plutôt qu’une alternative inscrite dans l’alternance.
Dimanche, il faut commencer : mobilisons nos électeurs et les abstentionnistes, assurons des désistements sans faille, pas de candidatures contre le candidat de gauche arrivé en tête, même lorsque la droite n’est pas présente, faisons barrage au FN, concrétisons la conquête de nouveaux département et conservons les conseils généraux déjà détenus par la gauche ! Dimanche aucun conseiller général FN, une droite défaite, une gauche qui fait la preuve de son union de sa force !