La journée mondiale de l’eau vient de s’achever dans une relative indifférence dans notre pays. Pourtant le récent rapport de l’IFEN montre que souvent la détérioration de nos eaux terrestres se poursuit et que l’eutrophisation progresse.
Depuis 4 ans, la qualité physico-chimique des cours d’eaux ne s’améliore plus et les efforts pour conjurer les pollutions dues aux épurations urbaines ou aux pratiques agricoles se sont arrêtés. Les pesticides sont présents dans la quasi-totalité des eaux de surface et dans une grande partie des eaux souterraines. Les prélèvements sur la ressource ne cesse de croître, ce qui est préoccupant pour les réserves hydrauliques souvent mises à contribution mais aussi parce que la quantité et la qualité sont étroitement liées.
S’agissant des eaux marines, un récent rapport d’experts a tiré la sonnette d’alarme au niveau mondial sur les risques de disparition des poissons et de la biodiversité, dans nos mers et océans. Nous n’y échappons pas, les pêcheurs observent déjà la raréfaction et parfois le taux de mercure dans les poissons les rend quasiment impropres à la consommation !
Et pourtant l’eau est très absente du débat présidentiel et des programmes.
Un silence total plane sur les engagements écologiques pris par la France, dans le cadre des législations européennes et qui nécessitent une action déterminée, des moyens importants et une mobilisation générale. Pourtant, dans bien des domaines, et singulièrement s’agissant de l’eau, le respect rigoureux des directives européennes constitueraient déjà un progrès important pour notre environnement et une petite révolution dans notre pays. Ainsi, la France comme ses partenaires a approuvé, en décembre 2000, la directive cadre sur l’eau qui prévoit la restauration du bon état écologique des eaux de surface ou souterraines à l’échéance de 2015, c’est un beau défi porteur de progrès écologiques, sanitaires et qui pourrait soutenir des efforts de recherche, d’innovation et un développement industriel et technologique important. Mais voilà, nous sommes à des années lumière de cet objectif et tous les spécialistes les décideurs savent que si nous ne faisons rien de plus que ce qui est engagé, nous ne seront pas en conformité à l’échéance prévue.. Nul ne le dit, nul ne s’engage. Les retards s’accumulent dans une indifférence générale voire avec une complicité ou un laxisme déroutant. Ainsi, il y a quelques semaines l’agence de bassin « Artois Picardie » annonçait un plan qualifié d’ambitieux d’investissement (et il est vrai qu’il s’agissait d’un milliard d’Euros sur six ans), mais ingénument et sans la moindre pudeur, elle soulignait que les eaux de son ressort n’atteindraient pas les objectifs fixés par la directive cadre sur l’eau. Interrogées sur le sujet, elle répondait que seul 40% des masses d’eaux de son territoire serait aux normes européennes en 2015, et qu’on ne pourrait espérer les atteindre qu’en 2027.
Douze ans de retard ne semblent pas traumatiser ses responsables. Au passage c’est faire peu de cas du respect des lois, car faut il le rappeler les directives européennes sont des textes législatifs qui s’imposent à nous. D’ailleurs, la commission européenne vient de requérir une amende de 28 Millions d’Euros…. Pour le non respect de la directive nitrate dans certaines eaux de Bretagne !
On est en droit d’attendre du ou de la future présidente de la République des engagements forts d’une part sur la politique de l’eau et d’autre part sur le respect des législations environnementales, souvent très positives de l’Union Européenne que notre pays a approuvé.
La gauche doit promouvoir l’excellence environnementale et pour l’eau l’enjeu est considérable mais suppose une nouvelle façon d’agir, des moyens importants en particuliers des investissements publics conséquents. Ils pourraient d’ailleurs être un puissant moteur dans le développement d’éco-industries, de service et soutenir des innovations exportables. Des marges de manœuvres existent.
Les grandes entreprises multinationales de l’eau viennent d’annoncer des profits records alors même que les pollutions se poursuivent et que le prix de l’eau ne cesse d’augmenter, d’ailleurs surtout pour les particuliers car la participation des agriculteurs demeure en deçà de ce qui serait juste. Il n’est pas admissible que se poursuive des prises de profits, redistribués aux actionnaires, sur la gestion d’un bien public qui ne saurait être considéré comme un bien marchand comme les autres. L’expérience a montré que lorsqu’une collectivité reprenait en régie directe la gestion de l’eau, elle économisait des sommes substantielles. Il y a donc là des marges de manœuvre importantes, des financements à dégager pour restaurer le bon état écologique de nos eaux. Cela ne suffira peut être pas, il en faudra sans doute d’autres. Tout le monde sait et savait que la récente loi sur l’eau votée par l’actuelle majorité n’était qu’une transposition formelle de la directive européenne, qu’une parodie de solution aux problèmes de qualité de nos eaux et ne résolvait rien et ne permettait pas d’atteindre réellement les objectifs de bon état écologique. Il est encore temps de réagir, mais désormais le temps est compté et c’est pourquoi il faut que les candidats s’engagent sur une loi de programmation, précise, financée avec un échéancier clair pour restaurer d’ici 2015 le bon état écologique des eaux de nos lacs, rivières, fleuves et nappes phréatiques.
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