Félicitations au collectif de jeunes militants socialistes GAVROCHE, pour cette tribune parue dans le quotidien liberation le 15 mai 2007
Il faut reconstruire le Parti socialiste en restant fidèle à son histoire et à ses valeurs.
Le 6 mai 2007, la gauche a fait son devoir. Elle l'a fait dos au mur, en votant massivement, unanimement, contre Nicolas Sarkozy. Pourtant, elle savait que ce vote signait son acte de décès. La gauche a perdu et ne maîtrise déjà plus son destin. Cette élection était imperdable : la gauche avait remporté les élections intermédiaires régionales et européennes ; elle s'était mobilisée et avait remporté les combats pour l'Europe sociale et contre le CPE. Jamais les Français n'avaient attendu autant de nous : éducation, logement, emploi, sécurité, Europe.
En termes électoraux, au premier tour, la gauche n'a totalisé que 36 % des suffrages. Le vote utile en faveur de Ségolène Royal a indéniablement joué à plein. Toutefois, son résultat a été à peine plus élevé que les scores réalisés par Jospin, Taubira et Chevènement en 2002.
La gauche antilibérale, communiste et écologiste représentait en 2002 près de 20 % des voix. Elle est aujourd'hui laminée, réduite à 10 %. Au reste, le fait que François Bayrou ait drainé plus d'électeurs de gauche que de droite souligne le profond malaise de la gauche réformiste. Au second tour, avec un peu moins de 47 % des voix, et en dépit d'une forte mobilisation antisarkozyste, la gauche perd pour la troisième fois consécutive l'élection présidentielle.
Faut-il en conclure que la droitisation de la France est achevée ? Le destin de la "nouvelle gauche" serait-il donc d'aller gouverner avec le "nouveau centre" ? Il nous semble surtout que la gauche, et en premier lieu le Parti socialiste, a failli à sa mission, son histoire et ses valeurs en abandonnant la question sociale, au bénéfice de questions sociétales. De congrès improbables en synthèses bancales, le PS a renoncé à définir une véritable orientation politique. Certains ont intenté un procès en incompétence à la candidate du Parti socialiste. Pourtant, cette dernière ne fait que poursuivre la dépolitisation en oeuvre depuis cinq ans.
Nous avons renoncé à parler de redistribution, à vouloir modifier la répartition capital-travail ; nous avons reculé sur les services publics ; nous n'avons pas su restaurer l'égalité républicaine. Ces débats, au coeur de la pensée socialiste, sont tabous. Pour preuve, l'opprobre subi par les partisans d'une Europe sociale lors du débat sur le référendum. L'idée même qu'une idéologie socialiste puisse subsister relèverait désormais de l'archaïsme. Au nom du pragmatisme et de la nécessaire adaptation à la mondialisation, le fatalisme l'a emporté sur le réformisme.
A la question sociale, on a préféré les questions sociétales. Certaines sections du PS débattent davantage de pistes cyclables que d'inégalités salariales. Face à la crise réelle de nos institutions, on nous propose la démocratie participative et les citoyens experts. Face à la crise de l'Etat, on nous propose la régionalisation. Face aux malaises sociaux et économiques des quartiers populaires, on nous propose de restaurer les symboles de la nation et de chanter la Marseillaise. L'interdit idéologique est tel que même les contradictions les plus grossières ne font plus réagir. Après avoir dénoncé en Bayrou un homme de droite, le voilà devenu, en l'espace d'une nuit, notre meilleur allié. Evidemment, toute campagne électorale s'accompagne de positionnement stratégique ; ici le compromis est un reniement. C'est aussi un flagrant déni de démocratie. En d'autres périodes, un tel revirement aurait provoqué un nouveau congrès de Tours. Aujourd'hui, certains tentent un aggiornamento à la sauvette.
Libre aux camarades qui le souhaitent de rejoindre le Mouvement démocrate de François Bayrou, mais qu'on ne nous dérobe pas le Parti socialiste. Bien sûr, la tâche sera difficile. Il nous incombera de reconstruire le PS en fidélité avec son histoire et ses valeurs en réaffirmant nos combats prioritaires : laïcité, justice et progrès social, égalité des chances et méritocratie républicaine, Etat-providence et services publics. Ces thèmes n'ont rien perdu de leur actualité. Il faut nous les réapproprier, non plus en tant que simples slogans, mais par des propositions concrètes et réalistes.
Que la "nouvelle gauche" aille gouverner avec le "nouveau centre". Quant à nous, nous rénoverons la "vieille maison".
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